Le cinéaste belge Thierry Michel a affirmé mardi qu'il ne pourrait pas se rendre au Cameroun «sur demande expresse» de la République démocratique du Congo (RDC) et qu'un film, qui avait irrité Kinshasa, avait été retiré du programme d'un festival de Yaoundé.

L'affaire Chebeya, un crime d'État ?, consacré à Floribert Chebeya, militant des droits de l'homme congolais retrouvé mort en juin 2010 après avoir été convoqué par la police de Kinshasa, «vient d'être interdit de projection par le gouvernement camerounais sur demande expresse du gouvernement congolais», a déclaré dans un communiqué Thierry Michel.

Le film de 2012 devait être présenté en compétition officielle au festival «Écrans Noirs», qui se déroule en ce moment à Yaoundé.

«Thierry Michel vient d'apprendre par le directeur du festival, Bassek ba Kobhio, la veille de son départ, mardi, qu'il serait immédiatement refoulé dès son arrivée par la police des frontières, malgré un visa en bonne et due forme délivré par l'ambassade du Cameroun à Bruxelles», ajoute le communiqué.

«Le film figurait bien sur la liste officielle des films en compétition, mais, sur le programme distribué à l'ouverture du festival, le documentaire de Thierry Michel a disparu. Et pour cause ! Il a été interdit de diffusion au Cameroun», confirme la Fédération africaine de la critique cinématographique (FACC) sur son site Africine.org.

«Censure partout présente»

«Le festival avait soumis le film, en même temps que d'autres, à la Commission nationale de contrôle des films cinématographiques et des enregistrements sonores. Le 26 juin, la commission, présidée par la ministre des Arts et de la Culture, Ama Tutu Muna, a rendu son verdict: censure. Aucune explication n'a été donnée», précise l'association.

«Au Cameroun, la politique et les droits de l'homme sont des sujets sensibles et seuls quelques réalisateurs courageux s'y risquent», relève encore la FACC, qui estime que «la censure est latente et partout présente» dans le pays.

En juillet 2012, les autorités congolaises avaient refoulé Thierry Michel à l'aéroport de Kinshasa. Auteur en 2013 d'un film polémique sur le gouverneur du Katanga, il est depuis «persona non grata» dans l'ancien Congo belge.

Dans son film, un des policiers jugés par contumace à Kinshasa met en cause l'ancien chef de la police de la RDC, le général John Numbi Banza Tambo, considéré par les parties civiles comme le commanditaire du meurtre de Floribert Chebeya mais qui n'est pas mis en cause par la justice congolaise.

Le 23 juin 2011, en première instance, la cour militaire de Kinshasa avait condamné à mort le colonel Mukalay, numéro 2 des services spéciaux de la police, ainsi que trois policiers jugés par contumace. Un autre avait été condamné à la prison à perpétuité et trois acquittés. Tous sont rejugés depuis le 19 juin 2012 devant la Haute cour militaire, mais le procès a subi de longues interruptions.

Le président français François Hollande a assuré fin mai qu'il «continuerait» sa pression sur le président de la RDC, Joseph Kabila, «pour que le procès ait lieu et que la vérité éclate quoiqu'il en coûte».