À bientôt 77 ans, le Britannique Ken Loach, réalisateur de The Spirit of '45 n'a rien perdu de ses convictions. «C'est le bon moment», selon lui, de se rappeler les années 30 entre chômage de masse et montée des extrêmes droites, au vu du contexte actuel.

Dans ce brillant documentaire, le réalisateur de The Angel's Share ou The Wind that Shakes the Barley raconte à travers des témoignages souvent poignants, mais aussi des enregistrements sonores et des images d'archives, comment et pourquoi a soufflé après guerre au Royaume-Uni une volonté de créer un monde meilleur, articulé autour du bien commun.

Le film raconte la victoire surprise de la gauche anglaise aux élections législatives de 1945, face à l'emblématique Winston Churchill, qui appelait à le suivre «sous la bannière de la liberté».

Le nouveau gouvernement arrivé dans un pays en ruines après les souffrances de la guerre et celles de l'entre-deux-guerres (les grèves, la pauvreté..), mènera une politique volontariste tant au niveau économique (avec des nationalisations) que sociale (création de logements sociaux, d'un système de santé, etc.)

Mais pourquoi s'atteler à ce projet aujourd'hui? «J'avais cette histoire en tête depuis longtemps mais aussi je pense que c'est le bon moment pour se rappeler les événements parce que notre époque ressemble à celle des années 30 avec la récession, le chômage de masse, la grande pauvreté qui s'accroît, des privations plus grandes et la montée de l'extrême-droite», explique-t-il.

«Cela valait le coup de se rappeler comment (le Royaume-Uni) s'en est sorti, quels changements ont été faits, quels étaient les espoirs en 1945, forcément différents d'aujourd'hui», raconte Ken Loach, de passage à Paris.

Ken Loach, très engagé à gauche, a toujours eu à coeur de parler de la classe ouvrière méprisée par le capitalisme, un système qui ne peut «perdurer» en raison de cycles allant «de croissances en effondrements».

«Alternative socialiste»

Au milieu de dizaines de récits poignants, le documentaire parvient parfois à faire sourire quand une femme après le bombardement de son immeuble dit simplement: «Et dire que j'avais fait les vitres hier»...

Le documentaire s'achève par l'ère Thatcher et ses privatisations en chaîne, sonnant définitivement le glas du rêve.

Mais The Spirit of '45, Ken Loach y croit encore à condition que les hommes reprennent le contrôle: «le capitalisme sauvage ne fournira jamais une vie digne et sure aux gens». «Le capitalisme n'est pas une création divine, il est né de la main de l'homme, on peut le changer. C'est ce qui a été tenté en 1945», dit-il encore. «On devrait aujourd'hui s'inspirer de cette expérience et tirer les leçons de leurs échecs», poursuit le cinéaste.

Les spectateurs d'aujourd'hui peuvent-ils être intéressés par le sujet? «Je pense que les gens sont plus réceptifs qu'on ne le pense parce qu'ils voient les conséquences de ce qui se passe. Leurs enfants ont du mal à trouver du travail», répond-il.

«Ils voient les ressources de la planète s'épuiser, ils voient les hôpitaux locaux, leurs bibliothèques fermer. Même les classes moyennes commencent à se poser des questions», ajoute-t-il en recommandant d'aller voir la situation à Liverpool, Glasgow ou l'Est londonien.

Pour lui, après les années Thatcher et celles de Tony Blair, le retour aux affaires du Labour ne serait pas la panacée car il appliquerait «une politique d'austérité».

«Le choix en ce moment est entre la droite dure et la droite douce», résume le cinéaste qui ne voit qu'une «alternative socialiste» pour sortir de la crise.