Le célèbre commentateur politique Chris Matthews, animateur de l'émission Hardball à MSNBC, s'est finalement rendu compte d'une chose: le cinéma américain est violent. L'ancien rédacteur des discours du président Jimmy Carter s'étonnait cette semaine que les cinq bandes-annonces présentées avant le film qu'il s'apprêtait à voir dans une salle faisaient toutes écho à des productions mettant en valeur des armes à feu. Ben oui, toi.

Dans la foulée de l'ignoble tuerie de Newtown, l'Amérique, en état de choc, amorce enfin une réflexion. Même la puissante National Rifle Association (NRA), discrète depuis vendredi dernier, se prononcera sur le sujet aujourd'hui lors d'une conférence de presse. De là à penser que le puissant lobby des armes puisse changer d'orientation, il y a évidemment un pas que bien peu d'observateurs oseraient franchir.

Chaque fois qu'une tragédie de cette nature survient, un bouc émissaire est choisi pour expliquer l'inimaginable. Hier, à Columbine, c'était The Basketball Diaries et la musique de Marilyn Manson. Aujourd'hui, on montrera probablement du doigt les jeux vidéo et autres objets sataniques qui n'ont d'autre fonction que de faire de nos jeunes des tueurs potentiels. Il ne viendra à l'esprit de personne de penser qu'au fil de son histoire, le genre humain n'a jamais eu besoin de «consommer» de produits culturels pour se livrer aux pires atrocités.

Oui, nous baignons dans une culture violente. Mais tous ces films, tous ces morceaux, tous ces jeux ne font que traduire - ou dénoncer - un état d'esprit. Accuser d'emblée le cinéma de tous les maux, c'est comme tailler la branche du haut d'un arbre malade sans prendre la peine d'aller investiguer jusqu'à la racine. Souvent, la cinématographie nationale d'un pays nous permet de mieux comprendre la psyché du peuple de laquelle elle est issue. C'est le cas du Québec (l'exil intérieur), du Canada anglais (préoccupations glauques sous des apparences très lisses), de la France (les relations sentimentales), et nous pourrions continuer longtemps comme ça l'exercice.

Que nous révèle la cinématographie américaine sur le peuple qui habite son territoire? Une fascination malsaine pour la culture des armes à feu. Le fusil est ici symbole de puissance, de virilité, doublé de surcroît du facteur cool. Un peu comme les gros chars qui filent à tombeau ouvert sur les routes et qui font saliver les admirateurs de courses Nascar et de Fast and Furious. Deux films violents prennent l'affiche ces jours-ci: Jack Reacher et Django Unchained. D'un côté comme de l'autre, on s'est gardé une petite gêne en annulant les soirées de première, histoire de respecter la douleur collective.

Même si elle est beaucoup plus sanglante et excessive dans Django Unchained, la violence y est pourtant moins troublante que celle contenue dans Jack Reacher (pour peu qu'on puisse comparer). Empruntant davantage un caractère de bande dessinée chez Tarantino, elle se retrouve en effet plus «glamourisée» dans l'adaptation du roman de Lee Child que propose Christopher McQuarrie. Dans l'univers de Reacher, l'arme est vénérée. Et revêt un caractère quasi érotique. Est-ce à dire que ce suspense policier aura un jour du sang sur les mains? Mais non. Il n'est que le reflet d'une mentalité bien ancrée dans la société américaine. Changer des lois, c'est relativement facile. Changer les mentalités l'est beaucoup moins. Et le cinéma ne peut en porter le blâme tout seul.

Le Noël des cinéphiles

Les congés s'en viennent et annoncent souvent pour les cinéphiles une période intense de visionnement de films attendus. À cet égard on est gâtés. À cette belle surprise qu'est Les pee-wee 3D, qui risque fort de devenir La guerre des tuques des temps modernes, s'ajoutent quantité de productions ambitieuses, signées par des noms aussi prestigieux qu'Audiard, Tarantino, Hooper, Spielberg, O'Russell, Jackson, Ang Lee, auxquels il faudra ajouter début janvier ceux de Bigelow, Van Sant, Haneke, Salles et Hoffman.

À voir en priorité: De rouille et d'os, le bouleversant film de Jacques Audiard, dans lequel Marion Cotillard et Matthias Schoenaerts livrent de sublimes performances. Aussi sur votre liste prioritaire: Django Unchained, un film excessif dans lequel Quentin Tarantino fait prendre à des esclaves une revanche sur leurs maîtres de la même façon que des Juifs avaient pris la leur sur des nazis dans Inglourious Basterds. Avec, encore une fois, une performance hallucinante de Christoph Waltz. Les amateurs de la comédie musicale Les Misérables - et seulement eux - se délecteront aussi de l'adaptation qu'en a faite Tom Hooper au grand écran. Avec des acteurs qui chantent «en direct» devant la caméra pour plus d'authenticité. Hugh Jackman est formidable, et Anne Hathaway se dirige tout droit vers la cérémonie des Oscars. Début janvier, au tour de l'excellent drame social de Gus Van Sant Promised Land, sans oublier le remarquable film de Michael Haneke Amour, lauréat de la Palme d'or du Festival de Cannes. On voudrait bien vous dire quelques mots de Zero DarkThirty, le nouveau film de Kathryn Bigelow, mais le film n'a pas encore fait l'objet d'une seule présentation au Québec. À suivre, donc.

Ce billet hebdomadaire fera relâche pour quelques semaines. Joyeuses Fêtes à tous!