Des banderoles géantes «cinéma occupé» recouvrent les murs depuis le mois d'août, le Maestoso, premier multiplexe de l'histoire de Rome, est menacé de fermeture par la crise qui frappe l'ensemble du secteur cinématographique italien.

Inaugurée en 1956, la structure en béton, pionnière de l'architecture des années 60, pourrait être vendue et connaître le sort des quelque 30 salles de la capitale transformées ces 20 dernières années en boutiques, salles de jeux, appartements, voire complètement laissées à l'abandon.

«Il faut empêcher la fermeture de ce cinéma sans lequel cette zone perdrait un endroit précieux pour la vie de quartier», explique à l'AFP Giampaolo Giuliani, 35 ans, projectionniste du Maestoso qui a occupé le cinéma pendant plusieurs nuits avec des collègues.

Mais la situation dans la capitale, passée de 120 salles dans les années 70 à 58 actuellement, n'est que la partie visible de l'iceberg.

La tendance à la disparition des salles de cinéma touche tout le pays.

Les chiffres de Cinetel sont éloquents: entre le 1er mai et 19 août 2012, les salles obscures italiennes ont perdu 33,6% de leurs spectateurs à 13,495 millions contre 20,323 millions sur la même période de 2011.

Sur la même période, les recettes ont chuté de 137 millions d'euros à 87 millions, signe d'une désaffection pour le grand écran qui s'est accélérée au profit d'un poids croissant de la télévision et d'internet dans les loisirs des Italiens, selon Mario Lorini, président de la FICE (Fédération Italienne du Cinéma d'Essai).

«Les Italiens ne sont plus capables d'apprécier le cinéma, de comprendre quelle est sa valeur ajoutée», déplore-t-il.

Ces dix dernières années, 761 salles dans la péninsule ont fermé, dont 60 sur la seule année 2012.

«Chaque fois qu'une salle arrête son activité, cinq personnes perdent leur travail», souligne Mario Carucci, secrétaire du CUB, un syndicat du secteur qui tente de mobiliser contre ces fermetures en chaîne.

Un tournant décisif

Un autre problème réside dans l'évolution des salles. Les spectateurs ayant tendance à se tourner vers les grands cinémas multiplexes, souvent plus confortables et plus modernes, les petits cinémas de centre ville souffrent davantage.

Quand ils ferment, les propriétaires se trouvent presque obligés de vendre au plus offrant, s'exposant à une utilisation complètement différente.

«Les institutions locales devraient surveiller ces changements de licences et garantir, à travers des subventions, des formes d'usage hybride», estime le président de la FICE.

Mais dans cette période de crise et de coupes dans les aides aux collectivités locales, les mairies manquent de moyens.

Au niveau national aussi, la part de fonds publics mis à disposition des activités culturelles est passée de 0,34% du budget de l'État en 2005 à 0,19% en 2011. A titre d'exemple, le cinéma ne reçoit plus que 1,6% des recettes de la loterie nationale (2011) contre 4% en 2009.

Le passage décisif au numérique et la disparition de la pellicule, à partir de 2014, représenteront un défi supplémentaire.

«C'est une grande opportunité parce que le numérique permettra une réduction significative des coûts, mais la transition sera difficile», selon M. Lorini, car «chaque salle devra investir en moyenne 100 000 euros, ce qui est énorme quand on est en difficulté».

L'avenir apparaît plutôt sombre et les succès au box-office de l'époque de la «Dolce Vita» de Fellini semblent loin.

«Cette année, les films nationaux ont été surclassés par les productions américaines», souligne Mario Lorini, en déplorant aussi un manque d'investissements privés: «Si on ne fait pas de films, les gens ne vont pas au cinéma».