La mission: faire du plus long roman de J.K. Rowling, Harry Potter et l'Ordre du phénix, la plus courte des adaptations cinématographiques. Envoyé au front: David Yates. Son statut: quasi inconnu au bataillon des réalisateurs. Tête-à-tête avec un homme qui semble n'avoir peur de rien. Ou qui cache bien ses inquiétudes.

Le réalisateur britannique parle doucement. Et plus on s'approche, plus il baisse le volume. Pourtant, il est impossible de douter une seconde que derrière cette voix de velours se cache une volonté de fer. Peut-être même un front de boeuf. Ou une assurance à tout casser. Il le fallait pour accepter de prendre la barre d'un long métrage de 200 millions bourré d'effets spéciaux et carburant aux attentes de millions de fans, alors qu'on possède une expérience de réalisateur de télévision, point. D'autant plus que le film en question exigeait d'innombrables raccourcis en regard du matériel original, un best-seller de plus de 1000 pages.

Après Chris Columbus, Alfonzo Cuaron et Mike Newell à la barre d'un «Harry Potter», David Yates a été recruté à sa plus grande surprise par le producteur David Heyman («qui aime ce que je fais à la télé»). Dans un premier temps, il a... lu les romans de J.K. Rowling. Il n'avait pas, jusque-là, été happé par le phénomène. Il est maintenant atteint de «pottermania» aiguë. Ensuite seulement, il a assisté Michael Goldenberg dans la scénarisation de Harry Potter et l'Ordre du phénix. À leur programme, des coupures... mais aussi des changements, qui vont faire hurler dans les chaumières où vivent les fans. Ils sont nombreux. Ça va faire du bruit.

Impossible de ne pas l'interroger là-dessus. Le réalisateur a accepté d'accorder une entrevue à La Presse après la conférence de presse tenue à Londres à la mi-juin.

Parmi les coupures les plus notables, donc, le quidditch. Totalement absent du film. Même si, dans le roman, Ron fait son entrée dans l'équipe de Gryffondor à titre de gardien de but. Et même si cette peste de Dolores Ombrage bannit Harry à vie du sport national des sorciers. Un crime de lèse-Potter, que le réalisateur assume pleinement: «Le quidditch et ce qui y est rattaché dans le roman n'était pas lié à l'arc dramatique que nous avons exploité. Intégrer un match au film aurait donné une impression "d'épisode", un peu comme un chapitre de livre. Mais cela n'aurait pas eu de lien viscéral avec notre thème, qui est le parcours intérieur de Harry dans une période particulièrement sombre pour lui.»

Pour ce qui est des différences entre le roman et le film, la plus frappante est l'identité de la personne qui va trahir l'Armée de Dumbledore - un groupe... disons de jeunes résistants formé en réaction aux agissements de Dolores Ombrage. Malheureusement, un sondage maison interdit à l'auteure de ces lignes de révéler ici le nom du traître ou de la traîtresse. Reste que le réalisateur exprime là encore sa conviction à l'égard de cette décision: «Ce personnage est si adorable et attachant que sa trahison apparaît encore plus dramatique et vient creuser la piste émotionnelle que nous explorons dans le film. Et puis, j'espère que les gens sentiront que s'il (le personnage) agit ainsi, c'est parce qu'il a été manipulé par Dolores.» On garde ça en tête, d'accord?

Chose certaine, les jeunes vedettes du film ont apprécié leur expérience avec le nouveau réalisateur: «Avec David, c'était très calme sur le plateau. Il avait toujours du temps pour nous écouter et nous parler», a fait remarquer Emma Watson en conférence de presse. Les producteurs, eux, sont heureux du résultat: David Yates prendra les commandes de Harry Potter et le prince de sang-mêlé, dont le tournage commence en septembre. «Ce sera un film très différent, par le rythme et par le ton. Il sera moins sombre, moins intense et plus... sexe, drogue et rock'n'roll.» Intrigant.

Les frais de ce voyage ont été payés par Warner Brothers.