Au côté de Rémy le rat qui se rêve en chef multi-étoilé, la gastronomie est l'autre héroïne de Ratatouille, le dernier film d'animation de Pixar créé grâce à des heures d'observation dans les cuisines de grands restaurants parisiens et à l'aide de grands chefs.

«Au début, ce qui pouvait me déranger, c'était l'idée d'un rat dans une cuisine!», dit le chef Guy Savoy, joint par téléphone à Paris. Mais ce rat au palais exceptionnel «essaie aussi de convaincre sa famille qu'il ne faut plus manger dans les poubelles et que l'alimentation c'est fondamental, alors...»

Alors le cuisinier a ouvert ses portes à l'équipe: «Ce qui les a séduits c'est la cadence en cuisine. D'ailleurs, c'est ce qui frappe dans le film, le rythme!»

«Ils étaient très intéressés par le "coup de feu"», relève André Terrail, propriétaire de la Tour d'Argent. «Ce moment où les commandes partent: un turbot pour madame, un canard pour monsieur, etc».

Avec un duo de gourmets comme réalisateur et producteur, le film, sorti vendredi en Amérique, recrée au plus près le restaurant traditionnel d'un Paris magique et un peu suranné, avec de hauts murs tendus de velours, un patron mythique, une cuisine fiévreuse.

Outre la Tour d'Argent - M. Terrail a reconnu son plateau de fromages et même son maître d'hôtel - le Train bleu de la gare de Lyon a inspiré le décor.

L'ambiance dans la cuisine du film est des plus «pro». Rémy le rat connaît chaque métier: «Chef, sous-chef, chef de partie, saucier...» «Nettoie toujours ton plan de travail», dit Colette la cuisinière, qui enseigne aussi l'art de reconnaître un bon pain: «Ecoute, c'est une symphonie de craquements!»

L'idée est de faire saliver le spectateur. Le décorateur, ancien cuisinier, a concocté réellement tous les plats du film, pour aider les animateurs à rendre la réalité: ris de veau, bouchées, poêlée de légumes... Une part de l'équipe s'est retrouvée en cours de cuisine, tandis que l'autre prenait ses quartiers chez Thomas Keller, star des chefs américains, en Californie.

«Le plus drôle fut de créer la ratatouille qui dans le film devient le plat de résistance, et de la voir récréée en animation», explique à l'AFP M. Keller, qui prête aussi sa voix à un client (comme Guy Savoy et le chef catalan Ferran Adria dans les versions française et espagnole).

Au-delà des fourneaux, Ratatouille évoque également la puissance des critiques, l'implacable course aux étoiles, la tentation de prêter son nom à des surgelés...

Le choix de ce thème est sans doute un défi pour Pixar, même s'il reflète aussi un engouement croissant pour la gastronomie aux États-Unis, où les grands chefs deviennent des célébrités et Las Vegas une destination culinaire.

Le sujet n'est pas forcément facile à résumer aux États-Unis, admettent les créateurs. Et Ratatouille n'est pas un titre évident, dit Brad Lewis, le producteur (il est d'ailleurs transcrit en phonétique sur l'affiche: «rat-a-too-ee»).

Mais «nous acceptons volontiers de provoquer un peu le public», dit-il à l'AFP. «Ce que je sais, c'est que les gens qui reviennent de France en général disent "j'adore la nourriture, j'adore les Français". Nous voulons faire de même avec le film et dire "venez le voir, vous rencontrerez des Français, vous verrez de la grande cuisine, et vous rirez"».

Pour les restaurateurs, le film est une belle promotion pour la gastronomie.

«Il montre que la haute gastronomie, ce n'est pas si inquiétant, prétentieux ou compliqué», dit André Terrail. «Le fait qu'une production américaine à très gros budget met tant l'accent sur Paris, la France, la gastronomie, est une chance», ajoute Guy Savoy.