Quand nous l'avons attrapé, il descendait à peine d'avion et s'apprêtait à rencontrer pour la première fois les autres membres du jury, dont Michael Caton-Jones, Micheline Lanctôt et Maxim Roy. Plusieurs raisons ont incité le producteur américain Edward R. Pressman à accepter l'invitation que lui a lancée le Festival du film de Tremblant.

«D'abord, j'aime les gens de cette organisation, explique-t-il. Je connais bien certains d'entre eux. Et puis, Michael Douglas, qui a une propriété dans les environs, ne cesse de me vanter les charmes de cet endroit. Pourquoi, alors, ne pas venir passer quelques jours dans un cadre aussi enchanteur?»

Le vétéran producteur, dont la carrière s'étend sur près de quatre décennies, entretient présentement des liens très étroits avec le Québec. Celui qui a vu aux destinées de films comme Wall Street, Reversal of Fortune, American Psycho ou Thank You for Smoking compte en effet toujours, tel qu'il l'avait annoncé l'an dernier, tourner chez nous entre 10 et 12 longs métrages au cours des cinq prochaines années.

«Nous nous sommes associés au Fonds de solidarité FTQ et nous avons aussi conclu une entente avec le Crédit suisse», explique le producteur.

Consolider les liens

Quand on lui demande pourquoi il a choisi de tourner des films au Québec, Pressman répond que nos infrastructures le lui permettent, que la qualité des studios est optimale, et qu'on trouve notamment ici une expertise remarquable dans le domaine des images de synthèse. Plutôt que d'imiter plusieurs de ses collègues américains qui, désormais, préfèrent transporter leurs pénates en des endroits plus financièrement avantageux, le producteur préfère consolider ses liens ici, même si la valeur du dollar canadien est montée en flèche ces derniers temps.

Au programme immédiat figure la sortie l'an prochain de Mutant Chronicles, un film de genre mêlant la science fiction et l'horreur, dont la tête d'affiche est Thomas Jane. La suite de Wall Street, intitulée Money Never Sleeps, marquera par ailleurs le retour de Michael Douglas dans le rôle de Gordon Gecko, 20 ans après la sortie du film original, réalisé par Oliver Stone. Aucun cinéaste n'est toutefois encore sous contrat.

La plus belle prise pourrait toutefois bien être Lunatic at Large, ce scénario que Stanley Kubrick a coécrit avec Jim Thompson il y a près de 50 ans, et qui est resté inédit jusqu'après la mort du maître.

«Kubrick parlait très souvent de ce scénario, qu'il avait écrit tout juste après Paths of Glory, mais dont il avait perdu toute trace, explique le producteur. Or, sa femme a découvert le manuscrit après la mort de Stanley. Le défi est de donner un souffle contemporain à un scénario qui a été écrit il y a longtemps mais je crois avoir trouvé en Chris Palmer la bonne personne pour mener ce projet à terme. Chris est un jeune cinéaste britannique qui a déjà fait sa marque dans le domaine de la publicité.»

Diversification

S'il estime aujourd'hui plus difficile de transiger avec les impératifs du marché, Edward R. Pressman affirme que la profession bénéficie quand même beaucoup de la diversification des modes de production.

«On peut aujourd'hui produire des films de façon indépendante, fait remarquer le producteur. Ce n'était pas le cas à l'époque où tout était dirigé par les studios. Cela dit, l'offre est tellement abondante qu'il est parfois plus difficile de faire sa marque maintenant. Par exemple, un film comme The King, qui mettait en vedette Gael Garcia Bernal, aurait selon moi mérité un bien meilleur sort que celui qu'il a connu. Thank You for Smoking a en revanche bien fonctionné car il était appuyé par Fox Searchlight. C'est dire qu'on ne peut rien prévoir dans le domaine du cinéma. Et cela ne changera pas de sitôt car depuis l'arrivée des DVD, d'internet et du téléchargement, le domaine de la distribution est appelé à subir de profondes transformations.»

Le Festival du film de Tremblant se poursuit jusqu'à demain.