En janvier 1976, la vie d'Ingmar Bergman, au sommet de sa gloire internationale, vire au cauchemar pour une affaire de fraude fiscale qui va le meurtrir profondément et le contraindre à un exil de neuf ans.

Alors qu'il répète à Stockholm au théâtre royal La danse de mort de Strindberg, deux policiers viennent l'arrêter pour évasion fiscale concernant sa maison de production Personafilm, dont le siège est en Suisse.

Bergman est abasourdi. «Ma main tremble, j'ai du mal à respirer», raconte-t-il dans ses Mémoires, Laterna magica, où il consacre pas moins de 30 pages à cette affaire, «une catastrophe, la catastrophe de ma vie».

L'arrestation du cinéaste fait la une de la presse mondiale et plusieurs journaux suédois l'attaquent avec virulence. Bergman fait une dépression et, atteint de pulsions suicidaires, passe trois semaines dans un hôpital psychiatrique.

Finalement, il décide de tromper la vigilance de la police suédoise et s'enfuit avec sa femme, Ingrid von Rosen, à l'étranger. Il se fixe en Allemagne, à Munich. Exonéré en 1979 après un redressement fiscal, il reviendra en Suède en 1981 pour tourner Fanny et Alexandre, mais ne retournera défintivement dans son pays qu'en 1988.

«Dans toute cette histoire, je ne peux me reconnaître coupable que d'une faute, mais d'une faute grave: je signais des papiers que je ne lisais pas», écrit-il dans Laterna magica.

«Mes insomnies sont totales, mes démons se déchaînent et je crois que je vais être mis en lambeaux par mes déflagrations intérieures», raconte le cinéaste en évoquant cette période noire de sa vie.

Il se sent persécuté et humilié. «J'ai compris, dit-il, que n'importe qui, dans ce pays, peut être attaqué et sali par une espèce particulière de bureaucratie qui se développe à la rapidité d'un cancer galopant».

En rentrant à Stockholm après les années d'exil, il confie à sa femme Ingrid : «Ou je meurs, ou ce sera stimulant en diable».