Elle travaille dans le milieu du cinéma depuis près de 40 ans, a reçu un prix du gouverneur général et un Lion d'argent du Festival du film de Venise. Micheline Lanctôt, qui porte les chapeaux de scénariste, comédienne, réalisatrice et productrice, était toute désignée pour être la marraine du Festival des films du monde de Saint-Armand, connu sous le nom de Fefimosa.

Le Fefimosa est un festival original qui met en vedette les oeuvres de cinéastes qui résident à Saint-Armand, un petit village des Cantons-de-l'Est où se cache un grand bassin de cinéastes.

Un événement qu'elle considère extrêmement sympathique. «Ce que j'aime c'est qu'il remet en circulation des oeuvres qui ne sont plus disponibles sur grand écran et qu'on peut seulement voir sur DVD», explique Micheline Lanctôt.

Native de Frelighsburg, Micheline Lanctôt a quitté le village à l'âge de 10 ans pour étudier à Montréal. Elle est retournée y vivre à temps plein il y a trois ans, près des cidreries, vergers et vignobles.

Micheline Lanctôt, qui joue du violoncelle et du piano, a fait des études supérieures à l'Ecole de musique Vincent-d'Indy. Plus tard, elle a étudié à l'École des beaux-arts de Montréal, puis elle est devenue dessinatrice dans une compagnie d'animation de Montréal.

Elle a amorcé sa carrière de comédienne il y a 35 ans, avec La vraie nature de Bernadette, de Gilles Carle. En 1984, elle a réalisé Sonatine qui remporta le Lion d'argent du Festival du film de Venise. Suivront La poursuite du bonheur (1987), Onzième spéciale (1989) et Deux actrices (1993).

Elle a aussi été vue au petit écran dans Jamais deux sans toi, Les héritiers Duval, Réseaux, Scoop, Omertà, Le Pollock et Le monde de Charlotte.

Depuis ses débuts dans l'industrie cinématographique, bien des choses ont changé, dont la rentabilité et le financement que Micheline Lanctôt n'hésite pas à critiquer.

«Le voeu pieux du gouvernement, qui était de mettre en place une industrie, est en phase de se réaliser, explique-t-elle. Le cinéma québécois a son public, ce qui est bien. En contrepartie, les gens dont les films ne performent pas bien au box office sont tassés sur la bande, ce qui est mon cas. C'est dommage parce que ça nous prive d'une vitrine à l'international. Faudrait pas qu'il n'y ait que Denys Arcand et rien d'autre.»

La cinéaste espère que le 7e art ne devienne jamais un produit de marché. «Pour moi ça reste encore une entreprise artistique, indique-t-elle. Le jour où je n'arriverais plus à trouver des sous, je me recyclerais dans autre chose. L'industrie est plus ou moins entre les mains des distributeurs, qui ont intérêt à ce que les produits vendent. C'est sûr que leurs choix sont beaucoup plus ciblés qu'il y a 20 ans où il y avait plus de variété.»

Cette réalité, elle l'enseigne à ses élèves en leur disant qu'ils vont manger de la misère avant de vivre du grand écran. Depuis 26 ans, elle est chargée de cours en direction d'acteurs à l'Université Concordia.

«J'en décourage plusieurs chaque année parce que je mets les points sur les i quand ils me posent des questions sur le contexte actuel, explique-t-elle. Mais ce qui est absolument fabuleux, c'est que je vois comment les étudiants arrivent à s'intégrer dans le marché du travail.»

Parmi ses élèves, on compte les réalisateurs Éric Canuel (Bon Cop Bad Cop et Le dernier tunnel) et Alain Desrochers (Nitro).

Deux qui ont bûché comme des fous. «Ce métier-là est tellement difficile que c'est juste les plus enragés qui finissent par percer. Ceux qui n'ont pas ça, il ne peuvent même pas y penser», dit celle qui a célébré ses 60 ans en mai dernier, 60 chandelles qui changent bien des choses.

«C'est un tournant dans mon travail d'actrice, parce que ça fait un an et demi que je n'ai pas travaillé comme actrice, explique-t-elle. Les gens n'écrivent pas pour des femmes de 60 ans. Dans le travail de réalisateur, ça devrait être un tournant pour le mieux, parce que le cinéma est un métier de vieux. Plus on a de l'expérience, plus on est sécure et meilleur on est. C'est pas à 20 ans, même si on a du génie, qu'on arrive à exprimer de grandes oeuvres. Ce qui me panique le plus, c'est qu'il me reste 15 ou 20 ans de vie active. Ça m'énerve un peu car j'ai plein de projets.»

Elle planche d'ailleurs sur son prochain film, intitulé Suzie, qui racontera histoire d'une femme chauffeuse de taxi qui retrouve une enfant dans son véhicule. Le tournage aura lieu cet automne à Montréal. Il sera produit au coût d'un million de dollars avec son associé André Gagnon. Micheline Lanctôt a écrit l'histoire et jouera le rôle du personnage principal. Tout pour minimiser les coûts.

«Je ne vis pas de mon métier, explique-t-elle. Peut-être qu'un jour je vais vivre de mon métier, mais sinon je vais changer de métier. À mon âge, je ne suis pas pour quêter encore. Mes trois derniers films ont été faits avec des budgets de crève-faim. C'est le prix à payer pour ma liberté donc je l'assume.»