C'est la plus vieille histoire d'amour du monde, mais aussi la plus belle. Un homme et une femme se mettent à nu, se découvrent l'un dans l'autre. «En lisant Lady Chatterley, j'ai eu l'impression que c'était la première fois que je lisais une histoire d'amour», se souvient Pascale Ferran. La réalisatrice française était à Montréal pour présenter «son» adaptation de l'un des plus célèbres romans de D.H Lawrence.

Lady Chatterley raconte l'histoire de Constance et Oliver. En Angleterre, au sortir de la première guerre mondiale, une aristocrate, Constance (Marina Hands), se laisse dépérir. Son époux est revenu hémiplégique de la Grande Guerre. Sa vie n'est qu'ennui et isolement dans sa grande maison bourgeoise.

Un jour, au détour d'une promenade dans son domaine, Constance rencontre «l'homme des bois». Oliver Parkin (Jean-Louis Coulloc'h) est son exact opposé, et pourtant, c'est lui qui va inspirer à Lady Chatterley un désir et des sentiments qu'elle n'a jamais éprouvé avant. Lady Chatterley est l'histoire de cette renaissance, et de cet amour-là.

Pascale Ferran, réalisatrice et scénariste de talent, se fait rare au grand écran. Onze années se sont écoulées entre L'âge des possibles et Lady Chatterley. Son histoire avec celle du célèbre roman de D.H. Lawrence est celle d'un coup de foudre. Pourquoi ce livre? «Ce n'est pas moi qui ai choisi le livre. C'est lui qui m'a choisie», corrige-t-elle, avant d'ajouter: «J'avais l'impression que c'était la plus belle histoire d'amour et la plus vraie jamais écrite.»

Profondément ancrée dans son contexte politique et historique, Lady Chatterley est une histoire universelle. «Il y a une réappropriation tellement forte de ma part dans cette histoire. On peut imaginer qu'on peut parler très fort à des gens de toutes les régions. Toutes les littératures véritables se nourrissent de l'idée d'un optimisme enfantin selon laquelle tous les hommes se ressemblent», glisse Pascale Ferran.

Sensualité

Le film de Pascale Ferran n'est que sensualité. Il y a les bois, omniprésents. La nature, qui s'éteint lentement en hiver, pour renaître avec l'émerveillement amoureux du printemps. Les corps des amants, l'étreinte, filmée avec la même sensibilité et la même précision que les bois. Aux bruissements des feuilles et gargouillis de l'eau font écho celui des corps, le susurrement des étoffes, les murmures et les soupirs.

«D.H. Lawrence arrive à attraper une histoire d'amour quand elle se passe au mieux. Il y a cette transformation quand ils sont ensemble. Cette transformation est là tout le temps. C'est un chef-d'oeuvre et il y avait mille façons de l'attraper. Pour moi, c'est la naissance d'un couple, et toute la mise à nu, toute l'intimité qu'il y a», explique Pascale Ferran.

Envers et contre ses origines aristocratiques, Constance est une femme résolument moderne, qui flirte avec le socialisme et découvre, sans honte, sans culpabilité, le désir puis l'amour. Les amours de Constance et Oliver sont subversives et profondément innocentes.

«Constance n'y connaissait rien à la sexualité. Avant Parkin, elle avait sans doute dû faire l'amour deux fois avec son mari. Je trouvais intéressant de montrer comment une femme passe du XIXe siècle au XXe siècle. Elle est tout le temps à la conquête d'elle-même, estime Pascale Ferran. Je n'ai rien contre la naïveté. On a été pourris par des années de cynisme.»

Cinq Césars

Les cinq Césars (Oscars français) raflés par Lady Chatterley cet hiver en disent long sur les qualités de réalisation et d'interprétation que le film contient. Les scènes charnelles entre Constance et Oliver ont été filmées presque en temps réel. Pascale Ferran montre les corps de ses amants, sans jamais les exhiber.

«Ces scènes-là, ce n'est pas de la magie. On a juste travaillé comme des brutes pour les faire. On a décortiqué chaque scène, exactement comme on le ferait au théâtre. On a décidé qu'on ne verrait pas du tout sur le moment. Sur le tournage, il y avait une tension incroyable, électrique. Ce qui est important, c'est de faire en sorte que cette électricité soit conservée», détaille Pascale Ferran.

En entrevue, Pascale Ferran ne tarit pas d'éloges sur ses interprètes, Jean-Louis Coulloc'h et Marina Hands, qu'elle a découvert d'abord au théâtre. «J'avais l'impression que c'était une très grande comédienne quand je l'ai rencontrée, il y a eu une espèce de coup de foudre, d'évidence. La rencontre a été très belle, se souvient-elle. Marina est une jeune femme de la ville, mais elle a un corps très terrien.»

Lors de la soirée des Césars, Pascale Ferran avait reproché au système de financement de films de n'aider que des films commerciaux. «Mon discours n'était pas défaitiste, rectifie Pascale Ferran. Il y a toujours des gens qui aiment profondément le cinéma.» Parmi eux, les 500 000 spectateurs qui ont vu Lady Chatterley dans les salles obscures en Europe.

Lady Chatterley de Pascale Ferran est présentement à l'affiche.