Dès le début de son film Le voyage d'une vie, Maryse Chartrand, femme de Samuel, mère de trois enfants, met les choses au clair: Samuel s'est tué pour mettre fin à la souffrance, et pas à la vie. Le film, présenté hier aux médias, convie à un aller-retour entre la vie, joyeuse, des images de vacances en famille, et celle de l'après.

Tout Le voyage d'une vie tourne autour de la même idée. Non, le suicide n'est pas un choix. Ni une honte. Mais plutôt le point culminant d'un épisode dépressif, le résultat d'une impulsion, qui ne résume en aucun cas la vie de celui qui le commet.

«Ce film-là fait partie d'un hommage à Samuel, explique Maryse Chartrand. Ce qui fait le plus mal, c'est d'enfermer sa vie là-dedans. Sa dépression n'a duré que trois semaines. C'est un volet de sa vie. On arrive à être en paix quand on voit le suicide comme une maladie.»

En 2003-2004, Maryse, Samuel et leurs trois enfants s'offrent une parenthèse enchantée d'un an. Un an loin du bureau, du stress de leurs boulots exigeants - tous deux travaillent dans la pub. Un an passé sac au dos, autour du monde. Maryse et Samuel souhaitent faire de leur voyage un documentaire. La chaîne Canal Vie achète la proposition à leur retour. Samuel se suicide deux jours après la bonne nouvelle, en octobre 2005, 10 mois après la fin du voyage.

Trois mois après la mort de Samuel, Maryse décide de faire un documentaire sur le suicide. Ce mal silencieux est la première cause de mortalité chez les jeunes hommes du Québec. «C'était quasiment une question de survie pour moi. Je sentais le besoin de comprendre et de ne pas enfermer mes enfants dans le silence», dit-elle.

Maryse Chartrand s'improvise réalisatrice. «J'ai vécu mon deuil de manière intuitive», raconte-t-elle. Le choix des intervenants du documentaire, doit beaucoup à son intuition. Pour parler du drame personnel, Vincent, son meilleur ami, et les enfants de Maryse s'ouvrent, en toute pudeur, à la caméra. Pour parler du drame sociétal, la réalisatrice a fait appel à plusieurs experts, Louise St-Arnaud, William Pollack, Christophe Fauré.

En écho à Maryse Chartrand, mère, épouse, et documentariste, la parole des spécialistes. Qu'est-ce qui peut pousser un amoureux de la vie à commettre un acte irréversible?

Pourquoi Samuel n'a-t-il pas vu des issues de secours à son mal-être? La réponse est évidemment multiple. Il faut chercher tant du côté de Samuel, de sa personnalité, de son rapport au travail, que du côté d'une culture où les hommes n'appellent jamais à l'aide.

«Mon deuil s'est fait de façon accélérée. Je l'ai verbalisé; j'ai été cherché des réponses. J'ai été en action dans ce film-là», dit Maryse Chartrand. Et d'ajouter: «Je voulais faire une oeuvre qui soit utile aux gens en dépression, ou qui ont un proche en dépression.»

La société québécoise est parmi les plus frappées par le suicide des hommes. Sans jamais chercher de responsables à ce drame intime et sociologique, Maryse Chartrand espère apporter de l'espoir.

«Le suicide a besoin que l'on brise le silence; un silence mortel pour la personne qui est en détresse, croit-elle. La personne ne voit plus d'autres issues que la souffrance et la mort. Et quand elle décide de faire quelque chose, elle passe à l'acte.»

Après ce premier documentaire, Maryse Chartrand ne sait pas ce qui va se passer. Une chose est certaine: «Je faisais de la publicité, et je ne retourne pas là-dedans. Je pense au documentaire», dit-elle.

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Le voyage d'une vie est présenté par Docville le 10 septembre au Cinéma du Parc. Il prend l'affiche le 14 septembre, à Montréal et à Québec. Il sera diffusé par Canal Vie en novembre.