Maman a un amant. Maman n'aime plus papa. Maman ne sait plus où elle s'en va. Mais si maman quitte papa, est-ce qu'elle quitte fiston? Dans Toi, Anne-Marie Cadieux erre entre mari, amant et enfant, mais surtout dans sa propre existence.

Un quotidien apparemment parfait peut être pénible à supporter. Surtout quand on estime être à un tournant de sa vie, qu'on se sent vieillir, qu'il faut apprendre à penser à soi tout en pensant aux autres et que notre coeur bat soudainement à s'éclater les artères pour quelqu'un d'autre.

Pour son plus récent long métrage, François Delisle a poussé son personnage principal dans une tourmente intérieure. La femme au bord du gouffre prend encore une fois les traits d'Anne-Marie Cadieux. Mais une Anne-Marie Cadieux qui incarne une femme morose, absente et non lumineuse comme dans le précédent et plus léger Le bonheur c'est une chanson triste (2004). «Une fois qu'on s'est connus, on a voulu répéter l'expérience, raconte le scénariste, réalisateur et producteur. J'ai écrit Toi en pensant carrément à Anne-Marie. Elle est généreuse et me comprend. C'est plus facile de travailler avec des gens qu'on connaît.»

Dans Toi, il n'y a que du noir autour de Michèle, une mère de famille éteinte devant mari (Laurent Lucas) et enfant (Raphaël Dury). Qui vit une passion (un amour?) torride avec un musicien (Marc Béland). Et qui ne sait plus où donner du coeur et de la tête. «Toi raconte une femme qui perd sa dignité d'être humain dans une recherche un peu narcissique, explique François Delisle. Son fils l'interpelle. Il est sa continuité. Elle ne peut aller contre ça. Mais elle est dans la recherche de sensations qui ne supportent rien. Elle cherche un sens à sa vie.»

«Ce n'est pas un film sur l'infidélité, mais sur un mal-être, ajoute Cadieux. Michèle se sent étouffée dans un carcan. Elle veut se désancrer d'un réel qui lui pèse. Elle veut exister, mais n'y arrive pas.»

Devant la caméra de François Delisle, Anne-Marie Cadieux s'est mise à nu. Au sens propre comme au figuré. Le langage corporel prédomine sur les dialogues dans ce film tourné avec un million de dollars. «Ce fut un tournage exigeant, car toujours sur le fil du rasoir. À chaque scène, je me demandais comment j'allais faire pour jouer», avoue Cadieux qui n'aurait toutefois échappé pour rien au monde un tel rôle.

La déchirure

Parce que l'actrice aime bien le mélange des genres dans sa vie professionnelle. Qu'après le tournage de la série télé Miss Météo, elle avait besoin d'explorer d'autres zones. Parce qu'être dirigée par François Delisle lui plaît énormément. «François pose un regard sur les acteurs, explique l'actrice. Il filme le mouvement intérieur de ses personnages. Il nous demande d'exister et non de fabriquer.»

Tourné en octobre dernier, pendant 21 jours pluvieux, Toi expose plus qu'on ne s'y attend Anne-Marie Cadieux. D'abord en ouverture de récit où l'actrice, le corps nu collé à celui de Marc Béland, dévoile toute la quête de sensations de son personnage en fixant son amant dans les yeux. «Michèle cherche à travers le corps, estime l'actrice. Tout passe par la sexualité. Comme si cette sexualité pouvait lui donner la force d'exister. Mais ce n'est pas une sexualité séduisante. C'est cru, graphique.»

Au fil des rendez-vous avec son amant, Michèle perdra ses repères et croira que la meilleure solution est de quitter son époux et son fils. Les vagues intérieures se transformeront alors en typhon s'abattant sur tous. «L'histoire de Toi est banale finalement, estime Laurent Lucas. On l'a quasiment tous vécue. Mais François montre bien la déchirure et la descente aux enfers de tout le monde. Quand tu te sépares et qu'il y a un enfant au centre, tu culpabilises, que la décision vienne de toi ou non. Même l'amant culpabilise. Il n'y a que des perdants.

«Ce qui m'a plu dans ce scénario, c'est que le mari passe par plein de phases. Par des réactions logiques. Il y a la gentillesse, la violence, la médiocrité, la pitié... Chaque scène du film raconte une attitude pour tenter d'exister même quand on est abandonné.»

Troisième long métrage

Si les longs métrages en carrière de François Delisle (Ruth en 1994, Le bonheur... en 2004 et Toi en 2007) se distinguent par leur forme et l'élément déclencheur de la quête des personnages, il demeure des constantes dans son oeuvre. «C'est son troisième film avec un personnage féminin central, note Cadieux. Mais la mise à nu, c'est François qui la fait. Il y a de lui dans Michèle. Je suis son alter ego. François est un être qui a le courage de montrer sa fragilité.»

La détresse de Michèle pourra être ressentie par les festivaliers du Festival des films du monde de Montréal, lundi, alors que Toi sera projeté en compétition. «C'est parfait pour le film que j'ai fait, dit François Delisle. Le timing est bon. Le FFM nous donne une tribune qu'on ne pourrait pas avoir ailleurs.»

Toi présenté en compétition au FFM lundi, à 9h, au cinéma Impérial, et à 19h, à la Place des Arts. En salle à compter de vendredi.