À l'instar de Brad Pitt, Cate Blanchett n'est pas allée à Venise pour aller chercher le prix d'interprétation qu'elle a obtenu grâce à sa prestation dans I'm not There. Bien que le film de Todd Haynes, dans lequel elle est l'une des incarnations de Bob Dylan, fasse l'objet d'une présentation un peu plus tard cette semaine au Festival de Toronto, l'actrice australienne était plutôt occupée hier à assurer la promotion d'Elizabeth: The Golden Age, un film dans lequel elle reprend le rôle qui l'a vraiment révélée au public il y a neuf ans.

Le réalisateur Shekhar Kapur, qui entretenait depuis longtemps le désir de s'attaquer à un autre chapitre de la vie de la légendaire souveraine, a pourtant eu bien du mal à convaincre l'actrice de reprendre du service.

«Nous en avons parlé très souvent, concédait Blanchett hier au cours d'une conférence de presse. Avec un personnage aussi riche, les possibilités son infinies. Dans mon esprit, il fallait quand même laisser passer du temps.»

L'un aura eu raison de s'obstiner; l'autre aura eu raison de prendre le temps de bien faire les choses. Elizabeth: The Golden Age est en effet un film magnifique, dont l'intrigue est centrée sur les tourments intérieurs d'une femme qui, en raison des pouvoirs dont elle dispose, ne peut laisser ses sentiments la guider. Kapur plonge ainsi la souveraine dans une histoire à caractère romantique alors que, cette fin de XVIe siècle, l'Angleterre traverse l'une des plus graves crises de son histoire. Le récit des aventures de l'explorateur Walter Raleigh (Clive Owen), qui revient du Nouveau Monde, suscite en effet chez la reine des fantasmes d'espace et de liberté - et des fantasmes amoureux - qu'elle ne pourra jamais se permettre. Parce qu'il y a des menaces, des ennemis. Parce qu'il y a cette offensive du roi Philippe II d'Espagne pour renverser le régime anglais et installer sur le trône une reine catholique, une certaine Marie, reine d'Écosse...

«Si Élisabeth avait perdu cette bataille, mon pays aurait peut-être été conquis par l'Espagne plutôt que l'Angleterre! affirmait hier en riant le réalisateur d'origine indienne. L'empire britannique n'aurait peut-être pas existé. Et le monde d'aujourd'hui serait totalement différent.»

«Ce qui est certain, ajoute Cate Blanchett, c'est qu'Élisabeth était un être doté d'une intelligence supérieure. Elle m'inspire beaucoup car elle a pratiquement vu à la naissance de la culture anglaise. Elle a fait en sorte que les arts puissent êtres reconnus.»

Kapur est partant pour élaborer le dernier volet d'une trilogie. «Mais il faudra voir si Cate est d'accord», dit-il. Les journalistes présents à la conférence de presse ont alors vu l'actrice esquisser un sourire. Comme une façon de dire «On verra...»

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Elizabeth: The Golden Age prendra l'affiche le 12 octobre.

Un souffle déstabilisant

 

La première mondiale du très attendu Le deuxième souffle a aussi eu lieu ce week-end. Très ambitieux, ce film est une nouvelle adaptation du roman de José Giovanni que Jean-Pierre Melville avait déjà porté à l'écran en 1966. Quintessence du film noir, la version de Melville est passée à l'histoire. Et s'inscrit avantageusement dans la mythologie cinématographique française.

«Le film de Melville a carrément changé ma vie!» confiait d'ailleurs à La Presse le réalisateur Alain Corneau. Qui, un peu comme il l'avait fait à l'époque du Choix des armes, a réuni une distribution impressionnante. Daniel Auteuil, Monica Bellucci, Michel Blanc, Jacques Dutronc et l'ancien footballeur Éric Cantonna sont en effet les têtes d'affiche d'un film qui exige du spectateur une certaine période d'adaptation. Corneau utilise en effet un langage cinématographique tout à fait moderne, emprunté notamment aux courants esthétiques du cinéma asiatique, coréen en particulier, tout en conservant la forme traditionnelle du film noir des années 50. Il en résulte un décalage pleinement assumé, lequel se révèle parfois déstabilisant.

Une fois n'étant pas coutume, Daniel Auteuil semble aussi avoir un peu de mal à trouver ses repères. En revanche, Michel Blanc offre une composition saisissante dans le rôle du commissaire Blot. Et Dutronc trouve ici un univers qui lui sied magnifiquement. Le deuxième souffle prendra en principe l'affiche au Québec au début de la prochaine année. Nous aurons évidemment l'occasion d'en reparler.

 

Un bon Continental

 

Il n'y a pas que les grandes productions internationales prestigieuses qui partent de Venise pour venir dans la Ville reine. Il y a aussi, parfois, des films québécois. Après avoir été projeté dans la section «Journée des auteurs» à la Mostra, le premier long métrage de Stéphane Lafleur, Continental, un film sans fusil, fait aujourd'hui l'objet d'une première représentation publique au Festival de Toronto (section Canada First).

Privilégiant une véritable démarche d'auteur, Lafleur jette les bases de son univers en imposant d'emblée un ton, une signature. En s'attardant aux parcours on ne peut plus "ordinaires" de ses protagonistes, le jeune auteur cinéaste dresse un portrait tragicomique qui colle à la peau tellement il semble plus vrai que nature. Et ce en dépit des moments de totale absurdité qui le ponctuent de temps à autre.

Bien servi par une impeccable distribution, de laquelle font notamment partie Gilbert Sicotte, Marie-Ginette Guay, Fanny Mallette et Réal Bossé, Stéphane Lafleur offre ici un solide premier long métrage.

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Continental, un film sans fusil prendra l'affiche le 9 novembre.