Le personnage central du nouveau film de Guy Maddin, Brand Upon the Brain! , s'appelle Guy Maddin. Il a grandi dans un orphelinat entre un père qui menait des expériences inquiétantes, une mère tyrannique et une soeur à la sexualité ambivalente. Vérité ou mensonges? Entretien surréaliste avec le «David Lynch canadien», en l'honneur de qui le Cinéma du parc organise une rétrospective.

 

L'appel provenait de Seattle. La compagnie indépendante The Film Company avait une offre à faire à Guy Maddin. Du genre que le cinéaste canadien qui vit à Winnipeg ne pouvait refuser. «On me proposait un soutien complet pour que je réalise un nouveau film. La seule condition: que ce soit un scénario original», raconte Guy Maddin, joint au téléphone quelques jours après qu'il ait remporté le Prix du meilleur long métrage canadien au Festival de Toronto pour My Winnipeg - qui sera présenté au Festival du nouveau cinéma.

 

D'ici là, son oeuvre fera l'objet d'une rétrospective au Cinéma du Parc où son film Brand Upon the Brain!, celui que The Film Company a produit, prendra l'affiche vendredi. Un film qui tient de l'expérience. Pour le spectateur comme pour ses créateurs.

 

Film muet, en noir et blanc, tourné en neuf jours... un mois après ledit coup de fil et avec des caméras Super 8, Brand Upon the Brain! est à la fois «un film noir, d'horreur, d'enquête policière pour ados, de souvenir d'enfances, et de porno soft - même si je n'aime pas la porno quand elle est soft», s'amuse le cinéaste qui, depuis son premier court métrage, The Dead Father, s'amuse dans les eaux glauques du surréalisme gothique, avec la déviance sexuelle et autres désirs refoulés.

 

Réalisé avec un budget de 15 000$ (!), Brand Upon the Brain! raconte le retour de... Guy Maddin sur l'île où il a grandi. Où se trouvait un orphelinat tenu par ses parents. Où le père menait des expériences dans un laboratoire. Où la mère surveillait les lieux du haut du phare. Où les parents adoptifs d'un des orphelins se rendirent compte qu'il avait un trou à l'arrière de la tête. Où deux jeunes détectives furent envoyés pour enquêter.

 

Tordu à souhait, le scénario. Et quand Guy Maddin le dit inspiré de thèmes autobiographiques, on s'inquiète. Pour lui. Il rit. «Je n'ai pas grandi dans un orphelinat mais à part ça, tous les événements relatés sont véridiques. Ils me sont arrivés ou sont arrivés à des membres de famille. J'en ai modifié certains, qui sont devenus des euphémismes par rapport à la réalité. Mais, psychologiquement et émotionnellement, tout cela est vrai.»

 

Le fait, par exemple, que sa soeur soit tombée amoureuse d'un garçon qui, plus tard, s'est avéré être une fille. «Ça a surpris tout le monde, ma soeur comprise, mais, d'une certaine façon et aussi confus que cela puisse paraître, ça m'a aidé à établir ma propre sexualité.» Autre exemple, la scène de l'enterrement du père. Elle fait écho à celui de son grand-père maternel. Enterré en période de pluies intenses. Lesquelles avaient rempli la fosse creusée au cimetière.

 

«Pour y enfoncer le cercueil, les six enfants de la famille ont dû monter dessus. Ma mère, à 91 ans, en fait encore des cauchemar où elle imagine entendre son père hurler parce qu'il était en train de se noyer», raconte Guy Maddin qui porte le même nom que le personnage principal de son film.

 

«Une coïncidence!» plaisante-t-il avant de poursuivre: «En lui donnant mon nom, je me suis donné la permission d'être plus masochiste, de pouvoir m'apitoyer sur mon sort et me confesser davantage, d'être plus machiavélique envers ma famille.»

 

Des comptes à régler? Absolument. «Ils auraient dû apprendre qu'on ne plaisante pas avec l'homme qui tient la caméra.» Bref, l'expérience a été très libératrice pour lui. Tant sur le plan personnel que sur le plan créatif: «J'ai travaillé avec des gens qui ont offert bénévolement leur temps - moi y compris. Et ça a été un plaisir immense que de créer ce film à tout petit budget, entouré de bénévoles allumés et créatifs. Ça a été une pure expérience artistique.»

 

Ce, dès l'écriture du scénario. «J'avais si peu de temps que je ne pouvais écrire des dialogues. L'idée de film muet s'est imposée par elle-même. Surtout que pour moi, ces moments d'enfance tordus par le fil du temps se prêtait bien à la poésie du film muet.» Il lui a fallu une semaine pour coucher le tout sur papier. «C'est plus une histoire dont je me suis «souvenue» qu'une histoire que j'ai vraiment écrite.»

 

Pour la narrer, il a fait appel à une amie. Isabella Rossellini. Rencontrée à Central Park il y a quelques années. «Nous caressions le même chien.» Quand le propriétaire de l'animal est parti, ils ont parlé. «Je lui ai dit mon admiration, je lui ai mentionné que son ex-mari, Martin Scorcese, avait mes films dans ses archives. Nous avons sympathisé. Je lui ai écrit un rôle dans The Saddest Music in the World. Et elle m'a demandé de réaliser le film hommage qu'elle avait écrit pour son père, My Dad is 100 Years Old

 

Une communion d'esprit qui étonne peu: Isabella Rossellini, vedette de Blue Velvet, n'a-t-elle pas été fiancée à David Lynch et Guy Maddin n'est-il pas surnommé «le David Lynch canadien» ? Oui. Au-delà du noir et blanc, cela donne les vraies couleurs de Brand Upon the Brain!

 

Brand Upon the Brain! prend l'affiche le 28 septembre au Cinéma du Parc La rétrospective Guy Maddin se tient du 22 septembre au 3 octobre au Cinéma du Parc.