Elle s'appelle Cécile de France mais est native de Belgique. Elle était de passage à Montréal pour le tournage de L'ennemi public no 1 de Jean-François Richet mais accepte de parler d'Un secret, de Claude Miller, dans lequel elle tient l'un des rôles principaux. Entretien avec une comédienne qui s'amuse à ne jamais être là où on l'attend.

Cécile de France déteste les catalogues. Ceux dans lesquels on enferme les artistes. «Quand on me propose des choses que j'ai déjà faites, je refuse. Je n'ai pas envie de m'ennuyer. Je veux toucher à tout», affirme-t-elle au bout du fil. Et, jusqu'ici, elle a prouvé que non seulement elle veut, mais elle peut.

Dans L'auberge espagnole et Les poupées russes de Cédric Klapisch, on l'a vue en lesbienne assumée et confiante en elle. Dans Fauteuils d'orchestre de Danièle Thompson, en provinciale tout en curiosité et en fraîcheur qui débarque à Paris. Dans Quand j'étais chanteur de Xavier Giannoli, en jeune mère fragile. Et dès mercredi, dans Un secret de Claude Miller, on pourra la voir en mère et épouse juive durant les années d'avant, de pendant et d'après guerre.

Toujours aussi convaincante. Juste. Et parvenant à modifier jusqu'à l'énergie qu'elle dégage pour coller à celle des différents personnages qu'elle interprète. «Ça, c'est le plus beau compliment! lance-t-elle. Parce que pour moi, l'important est d'être le personnage. Pour cela, j'aime changer d'aspect, me métamorphoser, je trouve ça très excitant. C'est un plaisir qui rejoint celui de l'enfance. Mais si, en plus, je parviens à modifier ce qui se dégage de moi, c'est que j'ai réussi à créer. Au-delà du scénario, des mots sur le papier.»

Cela la ravit. Autant que le fait que les réalisateurs ont, jusqu'ici, eu assez d'imagination pour la voir dans des rôles différents. «On me considère comme une comédienne et pas comme Cécile de France en tant que Cécile de France. Je ne peux que souhaiter que ça continue ainsi. Je suis tellement heureuse d'exercer ce métier!»

Un métier qui est une passion depuis l'enfance. À la petite école, elle était l'élève qui levait la main quand la maîtresse demandait de réciter un poème. «J'étais un peu timide mais je me sentais bien en avant, j'étais heureuse. Ça me donnait une place dans la classe... et même dans le monde.» Rapidement, elle a participé à des pièces de théâtre. À l'école. Dans des troupes amateurs, chez elle, à Namur.

Et puis, à 17 ans, elle s'installe à Paris où elle gagne sa vie comme jeune fille au pair afin de se payer des cours privés auprès de Jean-Paul Denizon, un ancien élève de Peter Brooks. Elle entre ensuite à l'École nationale supérieure des arts et techniques du théâtre où elle étudie pendant trois ans. Fait pas mal de théâtre. Tourne dans plusieurs courts métrages. Ne pense pas au cinéma. Richard Berry y pense pour elle: «C'est lui qui m'a découverte en me donnant le premier rôle dans le premier film qu'il a réalisé, L'art (délicat) de la séduction

Outil multifonctionnel

Depuis, elle se fait outil multifonctionnel pour les réalisateurs. Parce que pour elle, un comédien est un outil... qui peut - doit - ne pas toujours taper sur le même clou. Pour Claude Miller, dans Un secret, elle est devenue Tania. Femme de Maxime (Patrick Bruel), mère de François - lui, interprété par plusieurs acteurs selon les époques, puisque le film, inspiré du roman autobiographique de Philippe Grimbert, suit le personnage de l'enfance à l'âge adulte. Une vie marquée par le secret, celui du titre, que François ne découvre que le jour de ses 15 ans. Le passé de sa famille. Juive. Alors que la Deuxième Guerre mondiale frappe aux portes de Paris.

Tania, la Tania qu'incarne Cécile de France, est une athlète. Nageuse. Plongeuse. Pour l'incarner, la comédienne s'est livrée à cinq mois d'entraînement - dont deux, pendant le tournage. «Une cascadeuse exécute les plongeons mais le départ et l'entrée dans l'eau, c'est moi. J'ai aussi dû apprendre les nages de cette époque-là, le dos crawlé et la nage indienne. Et, aussi, travailler mon physique en tenant compte du fait que les athlètes d'alors n'avait pas le même physique que ceux d'aujourd'hui.»

Ce n'était que le travail extérieur d'un rôle complexe sur le plan psychologique. Et, de manière plus vaste, sur le plan historique. «Il faut que l'on comprenne pourquoi, dans des circonstances particulières, Maxime tombe amoureux d'elle. Il faut aussi saisir combien elle est sublime dans les yeux de François, pour qui elle est un socle sur lequel il peut s'appuyer. Mais, aussi, je me suis sentie une grande responsabilité face au peuple juif qui a tant souffert pendant cette guerre affreuse. Un secret, c'est une histoire dans l'Histoire.» Et, pour Cécile de France, un pas dans une case qu'elle n'avait pas encore fréquentée.

Une case, pas une cage... puisqu'elle squatte déjà une autre peau, celle de Jeanne Schneider, amante de Jacques Mesrine, qu'incarne Vincent Cassel dans L'ennemi public no 1 de Jean-François Richet. «Une fille très caïd, une sans foi ni loi. Pas du tout une midinette.» Encore une fois, vlan! dans les étiquettes et le catalogue.