Dans Le diable au corps, présenté du 5 au 10 octobre prochain, à Montréal, des artistes atteints de troubles psychiques parlent d'eux, de la maladie et de leur rapport à l'art. Au centre hospitalier Robert-Giffard, à Québec, le programme Vincent et moi aide des patients atteints de maladie mentale à renouer avec leurs pratiques artistiques. 

La réalisatrice Johanne Prégent (La peau et les os), assistée de la romancière Nelly Arcan (Folle, Putain, À ciel ouvert) à la scénarisation et à la recherche, donne à certains de ces artistes la possibilité de s'exprimer simplement, et de parler d'un sujet encore considéré comme tabou. Présenté l'an dernier au Festival international du film sur l'art (FIFA), Le diable au corps avait reçu un accueil critique et public encourageant. Et pour cause : le film permet d'entrer dans l'univers artistique de malades mentaux, tout comme dans l'univers psychique d'artistes.

Q - Le diable au corps est un projet de commande. Qu'est-ce qui vous a séduit dans cette proposition?

R - Les personnages souffrant de maladie mentale. J'en avais approché pour le documentaire La peau et les os, mon documentaire sur les anorexiques. Les malades psychiques sont des personnages passionnants. Ils ont creusé le fond de leur âme et sont le miroir de nous-mêmes. C'est passionnant : on peut tous se reconnaître dans cette souffrance.

Q - Dans Le diable au corps, on suit plusieurs artistes du programme Vincent et moi : Mireille Bourque, Benoît Genest-Rouillier, Jacques Lacasse, Ann Warren. Pourquoi avoir choisi ces artistes-là?

R - Je voulais déjà des gens assez structurés dans leur parole, et capable d'ordonner leur parole. Il y a de tout dans la maladie mentale, donc c'est surtout grâce à l'aide du coordinateur du programme que j'ai pu rencontrer des artistes.

Q - Quel est le rapport que ces malades psychiques entretiennent avec l'art?

R - Pour certains, ça aide à calmer la psychose. Pour la plupart, l'art est un exutoire. Exposer, c'est valorisant pour eux. Toutes les années, il y a une exposition de Vincent et moi, et les oeuvres sont jugées par un jury très sérieux. Ça les revalorise. Il y a ce cliché qu'il faut être fou pour créer, mais en même temps, la création demande d'être très structuré. Ce film va démystifier la maladie. On associe aussi souvent une image artistique à la maladie qui est celle de l'art brut, ou naïf - et je n'ai rien contre ça -, alors qu'il y a autre chose.

Q - Le diable au corps est un film qui touche. Comment avez-vous vécu ces émotions pendant le tournage?

R - C'est sûr que ça va te chercher. Le tournage a fait de moi une meilleure personne. Dans un documentaire, c'est toujours l'histoire d'une rencontre. Et j'avais peu de jours de tournage, il fallait donc que la rencontre soit authentique. J'ai beaucoup de respect pour ces gens-là, pour leur générosité. On était une petite équipe de tournage, et on ne s'est pas pris la tête. Les choses se sont faites très simplement. Ça a mis les personnages en confiance. Ils sont surpris de s'être livrés, et ils sont fiers. Ils l'ont fait pour eux-mêmes et pour plus grand qu'eux-mêmes, pour montrer qu'un malade peut être un artiste.

Q - Vous avez collaboré pour la première fois avec Nelly Arcan, pour la recherche et la scénarisation. Comment se sont passées les choses?

R - L'écriture d'un documentaire, c'est comme un guide. Tout se passe beaucoup pendant le tournage. Le travail qu'on a fait avec Nelly, ça a été un exercice ludique de rentrer dans la tête de ces gens-là et essayer de trouver des images, pour le documentaire, qui illustraient ce qu'ils pouvaient vivre, pour qu'on puisse ressentir ce qui se passe dans leur tête.

Le diable au corps est présenté à Ex-Centris du 5 au 10 octobre, et sera diffusé cet automne sur ARTV et Radio-Canada.