L'avortement, une question qui suscite des débats passionnés aux États-Unis, fait l'objet d'un documentaire réalisé par le metteur en scène britannique Tony Kaye, qui refuse de prendre parti mais frappe par ses scènes dérangeantes.

Lake of Fire, actuellement à l'affiche dans un nombre très limité de salles américaines, traite pendant plus de deux heures et demie du sujet à travers des interviews de partisans et d'opposants à l'interruption volontaire de grossesse (IVG).

Mais ce sont surtout les scènes crues, filmées en noir et blanc comme tout le documentaire, qui font la particularité du film.

«Dès que j'ai commencé à tourner j'ai compris que je devais montrer un avortement, ce qui n'avait jamais été fait auparavant», a raconté à l'AFP le réalisateur, surtout connu pour son long-métrage American History X (1998) sur un groupuscule néo-nazi.

«Il n'y avait même pas de doute sur la décision, parce que si je dois présenter les deux thèses, pour et contre, il s'agit là de l'une d'entre elles et alors, il faut montrer», dit-il.

Une scène peu supportable montre un médecin qui vient de terminer une IVG tardive, des morceaux de membres et la tête du foetus clairement visibles sur l'un des bacs chirurgicaux.

Ces images pourraient être utilisées par des militants contre l'avortement, mais le réalisateur montre aussi l'horreur de l'avortement clandestin, avec des images terribles d'une femme morte après s'être fait avorter avec un cintre en fil de fer.

Le cinéaste, qui a réalisé de nombreuses publicités et des clips, a travaillé plus de 15 ans à ce film. «Je voulais éviter toute propagande, et créer une trame qui permette d'explorer le sujet sans prendre fait et cause pour l'un ou l'autre camp», dit-il.

Des intellectuels sont interviewés dans le documentaire, notamment le linguiste Noam Chomsky, qui écarte du débat toute notion de certitude.

«Nous n'aurons pas de réponse dans les textes sacrés. Nous n'aurons pas de réponse chez les biologistes», dit cet intellectuel de gauche. «Ce sont des questions humaines. Des valeurs contradictoires sont en conflit, et prises séparément, chacune de ces valeurs est légitime: le choix est une valeur légitime, et la préservation de la vie en est une aussi».

Une des conclusions du film pourrait être celle d'un professeur de droit de l'Université Harvard, Alan Dershowitz, lorsqu'il dit que «chacun a raison quand il s'agit d'avortement».

«À la fin, c'est aux humains de décider. Chacun doit réfléchir avec tous les recours à sa disposition: la religion, l'esprit, les convictions, la conscience», ajoute-t-il.

Un personnage central du film est Norma McCorvey, plus connue sous le nom de Jane Roe, plaignante dans le procès Roe vs Wade qui vit en 1973 la Cour Suprême des États-Unis décider d'inscrire le droit à l'avortement dans la Constitution.

D'abord emblème du camp pro-avortement, elle explique dans le film comment elle est finalement passée dans le camp adverse lorsque des militants anti-IVG lui ont fait prendre conscience du fait qu'elle était «la personne responsable de tous ces bébés morts».

Après avoir passé des années à approfondir le sujet, le metteur en scène avoue ne pas savoir quel parti prendre.

«Je ne sais vraiment pas ce qui est juste. Je ne savais pas grand-chose au début (...) et à la fin je suis aussi désorienté», dit-il.»

(AFP)