Son documentaire, Durs à cuire, est l'une des sensations fortes de la dernière édition du Festival du nouveau cinéma. Dans ce premier long métrage, Guillaume Sylvestre donnait la parole à deux forts en gueule, les chefs Normand Laprise et Martin Picard. Deux durs à cuire, donc, pour un réalisateur qui goûte peu à la soupe médiatique.

À l'image de la gastronomie de Martin Picard et de Normand Laprise, on sent dès qu'il s'asseoit à notre table l'authenticité assez brute de Guillaume Sylvestre. Pas de «on-se-la-pète» chez le jeune réalisateur, qui, depuis plusieurs semaines, se retrouve au centre de la culture bouillonnante du Tout-Montréal.

«C'est surprenant, les réactions. Mais ça n'est plus entre mes mains», répond Guillaume Sylvestre, peu bavard, le visage tourné vers son bol de café au lait. Il est 11h, le lendemain d'une veille mémorable. La veille, donc, Durs à cuire ouvrait les festivités du FNC et, faut-il le préciser, la soirée fut longue et arrosée.

Avant de séduire le public, Durs à cuire a d'abord séduit Claude Chamberlan, son grand manitou. La raison du coup de foudre est simple. «C'est un film sur la gastronomie, et des gens qui vivent à contre-courant, de façon excessive. C'est son style, un peu», explique Guillaume Sylvestre.

Durs à cuire, donc, suit Normand Laprise, Martin Picard ainsi que les sous-chefs du Toqué et du Pied de Cochon. Ces hommes vivent pleinement par et pour leur passion gastronome, pour laquelle ils repoussent toutes les limites culinaires et géographiques. Bien plus qu'une recette, un art de vivre.

Adolescent, Guillaume Sylvestre a goûté lui aussi à la fébrilité des cuisines quand il découvre, à 16 ans, l'envers des restos de Cape Cod, où il passe ses étés dans la maison familiale. «J'ai travaillé en restauration pendant quatre saisons, et j'ai découvert un monde de fous, se souvient-il. J'ai failli me lancer là-dedans, mais c'est une vie de fous.»

Plutôt que d'entamer une carrière dans la gastronomie, Guillaume Sylvestre est revenu à Montréal, étudie vaguement la philosophie avant de débuter à la télévision, comme assistant de production, puis scénariste. Il rencontre rapidement le réalisateur Georges Mihalka, pour qui il scénarise deux épisodes de la série d'espionnage Sous haute surveillance.

«C'est un homme très exigeant. Travailler avec lui a été mon premier coup de pied au cul», dit-il. Avant de lâcher: «J'ai plus appris par moi-même». «Il réalise» des p'tits trucs pour Canal D, ainsi que l'émission Mission cascades, produite par Jacques Bonin en 2005. «C'était super intellectuel», glisse-t-il, ironique.

Guillaume Sylvestre a aussi réalisé plusieurs reprises pour des émissions produites ou présentées par sa mère, Denise Bombardier, avec, entres autres, Enquête sur les gens heureux (2004), l'émission Conversations, et le documentaire Mémoire d'enfance.

Sur sa mère, comme sur lui-même, Guillaume Sylvestre se montre direct, mais peu loquace. «Ça ne me gêne pas qu'on en parle, tant qu'il n'y a pas d'abus», dit-il. Les commérages selon lesquels la notoriété de sa mère lui aurait ouvert les portes de la maison de distribution TVA Films l'indiffèrent. «Ça ouvre des portes peut-être, mais ça en ferme d'autres aussi. C'est assez imprévisible», rétorque-t-il.

Fils de ou non, Durs à cuire est un film indéniablement réalisé avec patience, et amour. Au bout d'un an et demi et 250 000$ - «J'ai pas été payé et la productrice ne s'est pas versé de salaire» -, le jeune homme réalise le film de ses rêves, un hommage à la folie talentueuse de Picard et Laprise. La raison du succès? «Je ne sais pas quoi répondre. C'est peut-être moins difficile quand c'est un sujet dans lequel tu crois », avance-t-il.