Méconnu jusqu'ici, le jeune acteur anglais Sam Riley vient de se faire un nom en incarnant Ian Curtis, l'âme damnée de Joy Division. Conversation sur le rock, l'épilepsie et les offres qu'on ne peut pas refuser...

Q Vous êtes né en 1980, année de la mort de Ian Curtis. Avant de faire Control, que signifiait Joy Division pour vous?

R Pas grand chose, en réalité. J'ai toujours aimé les groupes des années 70, les Stones, Bowie, des trucs comme ça. J'ai même trippé sur des artistes des années 80. Du punk ou du new wave. Mais Joy Division, à part deux ou trois chansons, ça ne m'intéressait pas vraiment. Je trouvais la musique plus ou moins intéressante et je n'aimais pas le son de leurs albums... Mais quand je me suis acheté des DVD de leurs spectacles, ce fut une révélation. Ce n'était plus le groupe que j'avais entendu sur disque, mais un vrai band de rock'n'roll, avec un chanteur puissant et sensationnel, indomptable et vulnérable. Je n'en suis pas revenu.

Q Dans le film, votre ressemblance avec Ian Curtis est frappante. Est-ce que le but était de reproduire son personnage le plus fidèlement possible, malgré les pièges que cela comporte?

R Pour les scènes de concert, c'était nécessaire. Il fallait s'accrocher à quelque chose de vrai. Mais pour le reste, il a fallu inventer. Le fait est qu'on ne possède aucun film d'archives où l'on voit Ian Curtis marcher, fumer ou parler. Alors l'interprétation était laissée à mon imagination et à la direction d'Anton (Corbijn, le réalisateur). Certaines personnes qui l'ont bien connu, comme sa femme, m'ont dit que j'étais sur le bon chemin. Je me suis basé sur leurs commentaires... En fait, le plus difficile a été de reproduire des extraits de spectacles devant des fans de Joy Division. Même si la plupart de ces gens n'avaient jamais vu le groupe, ce sont quand même des connaisseurs. Et ça, c'était l'angoisse...

Q Le film donne beaucoup d'importance à l'epilepsie de Ian Curtis. Avez-vous fait beaucoup de recherches de ce côté?

R J'ai déjà joué dans un groupe dont le guitariste était épileptique. Il n'a jamais eu d'attaques sur scène, mais ça lui est arrivé avant ou après les shows, et même dans l'autobus. Je lui ai posé un tas de questions... Je suis aussi allé à la Société nationale de l'épilepsie, à Londres. Ils m'ont permis de rencontrer des docteurs, des patients et d'assister à des crises. Le plus étrange est qu'ensuite, je n'ai jamais vraiment répété ces scènes. J'ai improvisé ma première crise le jour du tournage.

Q Depuis sa sortie, Control récolte beaucoup d'éloges. Le film est même en lice pour les British Independant Film Awards, avec 10 nominations. Le succès, ça change le monde?

R Ma vie a changé le jour où on m'a offert ce rôle. Avant j'étais plutôt chanteur de rock. Mon groupe (10 000 Things) avait signé chez Polydor, mais après notre premier album, tout s'est effondré... Je me suis retrouvé à Leeds, comme serveur dans un bar. Tellement pauvre que j'empruntais de l'argent à mes parents... Alors quand Anton m'a appelé, je n'ai pas pu refuser... C'est vrai que j'avais déjà joué dans quelques petites productions. Mais je n'avais plus vraiment confiance en mes moyens. Et j'étais plutôt ignorant de Joy Division. Mais j'avais vraiment besoin de ce fric! Avec Control, j'ai cessé d'être musicien et je suis devenu un acteur...