Anaïs Barbeau-Lavalette adore les enfants. Leur pureté, leur innocence, leur courage aussi. Car il en faut, du courage, au jeune héros du Ring pour survivre dans son quartier de misère, entre une famille qui vole en éclats, une école où il s’ennuie, et des fréquentations pas trop recommandables.

La jeune réalisatrice a appris à connaître le quartier défavorisé d’Hochelaga-Maisonneuve, à Montréal, à travers ses documentaires précédents. C’était sa façon personnelle d’être utile, de montrer au plus grand nombre la dure réalité des gens du coin.

C’est d’ailleurs lors du tournage de l’un de ses films, durant un show de lutte, en compagnie de la scénariste Renée Beaulieu, qu’elle a découvert le jeune Maxime Desjardins-Tremblay. Le gamin était dans l’assistance, «presque en transe», à s’époumoner, à vivre le spectacle de tout son être. Elle lui a demandé de venir passer une audition. Elle s’est rapidement aperçue que son Jessy, c’était lui.

«Il a un côté brut et baveux, mais il a aussi un accès étonnant à ses tripes. C’était hyper-précieux pour le film», raconte la jeune femme, fille de la réalisatrice Manon Barbeau et du directeur photo Philippe Lalancette.

Pour son premier long métrage, la cinéaste de 28 ans, diplômée en 2000 de l’Institut national de l’image et du son, ne voulait pas d’une ambiance léchée. Pour coller au propos, elle a fait le pari, avec son père, d’une photographie «brute, un peu sale, mais vivante aussi». Une phrase des frères Dardenne, ses maîtres à penser, réalisateurs de L’enfant et Rosetta, l’a inspi-rée : «Ils ont déjà dit qu’ils ne faisaient pas des films au pinceau, mais à la brosse.»

De la même façon, elle a multiplié les gros plans du visage du gamin. «Je voulais recevoir tout ce qu’il y avait à recevoir de lui, son souffle, son regard... explique-t-elle. On vit avec lui, à travers lui. C’est pour cette raison que le personnage de la mère est toujours présenté en silhouette ou hors-foyer, car elle échappe au regard de Jessy.»

Cinéaste globe-trotter — elle a vécu un an dans un bidonville du Honduras — Anaïs Barbeau-Lavalette espère que Le ring fera ouvrir les yeux sur la misère du coin de la rue, celle qu’on ne voit pas. Ou qu’on ne veut pas voir.

«Ce que j’aimerais, c’est que les gens se sentent concernés, comprendre que des enfants comme Jessy ne vivent pas à l’autre bout du monde, mais parfois près de chez eux, conclut la jeune cinéaste. Ils auraient ainsi une façon concrète d’agir et de s’impliquer pour changer les choses.»

Maxime Desjardins-Tremblay: après la lutte, la boxe

Maxime Desjardins-Tremblay avait 11 ans lorsqu’il a découvert que la lutte était arrangée avec le gars des vues. C’est ce qu’on pourrait appeller la perte de l’innocence. Pire que d’apprendre que le père Noël n’existe pas. «J’ai vraiment pogné mon boost...», lance le gamin, avec une candeur qui fait sourire.

Maxime a maintenant 13 ans, bientôt 14. Il ne va plus aux soirées de lutte, au sous-sol de l’église de son quartier, dans Hochelaga-Maisonneuve. Il fréquente plutôt les arènes de boxe, où il se défoule allègrement. Il a déjà livré une trentaine de combats à travers la province. Quelle est sa fiche? Il ne sait pas trop, autour de cinq défaites...

C’est avec une charmante timidité que Maxime apprend à apprivoiser les médias. Ses réponses sont courtes, fraîches et spontanées, presque toujours assorties d’un petit sourire en coin.

S’il aimerait bien marcher dans les traces de Lucian Bute, l’adolescent rêve aussi d’être comédien. Sa performance dans Le ring a été saluée par la critique. Il y avait longtemps qu’on avait vu un enfant d’un naturel aussi remarquable au cinéma québécois. On pourra le revoir dans le prochain film de Léa Pool, Ma mère est chez le coiffeur. C’est bien parti pour lui.

Malgré son jeune âge, l’adolescent porte un regard lucide sur la vie de son quartier, qu’il qualifie de «pas facile». Si l’histoire du Ring n’est pas la sienne, elle renvoie à celle de plusieurs de ses amis, laissés à eux-mêmes, entre des parents absents et les pièges de la rue. Si Maxime est toujours à l’école, en secondaire 3, ce n’est pas le cas pour beaucoup d’entre eux.

«Depuis un an ou deux, j’en connais pas mal qui ont lâché l’école. Ils font rien, vraiment rien. Il restent chez-eux toute la journée, à jouer aux jeux vidéo.»

Le ring a pris l’affiche hier à Québec et dans un cinéma de l’est de Montréal, près du Stade olympique. Maxime compte bien y amener une dizaine de ses amis, quitte à payer tous les billets de sa poche. On devine que pour lui, c’est d’un geste d’une importance capitale, une façon de leur dire de s’accrocher, de ne pas baisser les bras devant les coups du destin.