Dans Surviving My Mother, elles sont présentes au détour de chaque scène. Mais malgré son casting d'abord féminin, le film n'est pas forcément un hommage aux femmes, selon son réalisateur et ses interprètes. «C'est davantage un hommage à la vie, à la vie en famille, à l'amour», lance Ellen David (Ciao Bella).

On pense aux productions d'Almodovar en dégustant cette nouvelle histoire de Steve Galluccio. À cause des doux revirements de situation et de la façon d'aborder la mort. «J'adore les sujets d'Almodovar, mais surtout le fait qu'on ne sache pas où il nous amène», note Véronique LeFlaguais.

Devant la caméra d'Émile Gaudreault, la comédienne a retrouvé un autre personnage amer, à l'invective facile. Après Rumeurs et Laura Cadieux... «Fini maintenant les rôles de femmes aigries! J'aimerais jouer quelqu'un de différent.»

Reste que mordre dans les dialogues de Galluccio la comble. «J'adore l'écriture de Steve. J'aime le côté sucré-salé de ses pièces. C'est du drame, mais toujours avec beaucoup d'humeur.»

Dans Surviving My Mother (tourné en anglais), la grand-mère mourante que LeFlaguais incarne n'a aucune parole tendre pour sa fille qui la soigne depuis des années. «Je comprends cette femme malade qui jette son dévolu sur sa fille et son gendre. Le meilleur moyen de se défendre est souvent le sarcasme.»

Interprétée par Ellen David, la fille altruiste finira par regretter tout le dévouement consenti à une mère qui n'a plus la force d'être reconnaissante. «Elle a décidé de faire ce qu'elle pensait être le mieux, raconte l'actrice anglophone. Un sacrifice énorme! Elle se rendra compte qu'elle a tout perdu, car la personne à qui elle donne ne la connaît pas vraiment. Elle veut donc éviter la même chose avec sa fille. Mais en voulant l'épargner, elle la perd.»

La troisième génération prend ici les traits de Caroline Dhavernas en étudiante modèle le jour et en objet sexuel le soir. «J'incarne une fille qui vit au sein d'une famille très aimante, mais qui a appris à afficher un sourire pour ne pas qu'on s'inquiète pour elle, explique-t-elle. Sa soupape, c'est la sexualité.»

Même à 29 ans, la comédienne peu encore rendre crédibles des personnages d'adolescentes et de jeunes adultes. «J'ai maintenant quelques cheveux blancs et je leur dis merci d'arriver! lance-t-elle toutefois. J'ai souvent eu hâte d'avoir l'air plus vieille pour jouer des femmes. Ça commence à changer.»

Étonnamment, Dhavernas, LeFlaguais et David ont joué l'amour et l'incompréhension uniquement en anglais devant la caméra de Gaudreault. «Je suis allée à l'école en anglais quand je suis arrivée au Canada en 1952, raconte LeFlaguais. À l'époque, les immigrants se faisaient dire qu'il fallait parler cette langue.»

Le réalisateur approuve totalement le choix des interprètes. «Au départ, on n'avait pas prévu un casting québécois, dit-il. J'ai auditionné beaucoup de gens, car il fallait des actrices à la fois dramatiques et comiques. Ça ne court pas les rues.»

De toute façon, pour Galluccio, écrire dans la langue de Woddy Allen est naturel, une évidence. «Parce que j'ai été élevé en français et en italien, l'anglais a toujours été une façon de me distancier de mon enfance et mon quotidien.»

Le trio féminin a néanmoins l'impression d'avoir pris part à une production foncièrement québécoise. «Les thèmes abordés sont universels, mais les racines sont ici», estime Ellen David.

«Au départ, j'ai cependant décidé de ne parler qu'anglais sur le plateau, avoue Caroline Dhavernas. Car c'est dur pour les muscles de la bouche et la concentration de passer d'une langue à l'autre constamment. Mais ça n'a duré qu'une heure. Je me sentais trop ridicule!»