Guillaume Sylvestre le dit lui-même : il aurait bien pu devenir cuisinier. Comme sujet pour son premier film, le monde de la restauration s’est imposé d’emblée : « Ce sont des gens intenses, un monde à l’envers. C’est ce qui m’a fasciné. » humaine. Et même si les situations de chacun sont difficiles, ce n’est pas lourd pour autant. »

En braquant sa caméra sur Normand Laprise et Martin Picard (respectivement du Toqué! et du Pied de cochon), c’est la personnalité des deux chefs qu’a voulu faire ressortir le réalisateur, plus que les dessous de la haute cuisine d’ici. « Je voulais vraiment filmer des gens. Pas des recettes. (...) C’est sûr qu’à travers tout ça, on découvre la gastronomie québécoise, mais je voulais faire un film sur les personnages, sur la passion, sur la belle folie. C’est la poésie de la démesure que je voyais dans ces deux chefs-là. »

Le contraste entre les deux «  personnages » principaux est frappant. Picard est le jeune créateur bouillant; Laprise, le mentor calme. « Mais étonnamment, ce sont deux amis qui ont un peu la même démarche profonde. Il y a une relation d’amitié et d’opposition à travers ça que je trouvais intéressante. »

À l’origine, le film devait être diffusé sur les ondes de Canal D. Mais le sort a voulu qu’il prenne plutôt l’affiche au Festival du nouveau cinéma de Montréal. Une visibilité que le principal intéressé n’aurait jamais espérée, et qui a provoqué son lot de réactions. Si les critiques de cinéma ont en général apprécié, le monde de la restauration, lui, n’a pas eu que des bons mots pour cette vision plutôt fêtarde de la haute cuisine.

« Ça chamboule toute une image du grand chef qui a peut-être une façon un peu guindée de faire les choses, opine Guillaume Sylvestre. Ça déstabilise aussi parce que ce n’est pas un documentaire sur un petit resto. C’est deux institutions. Le Toqué!, c’est la référence au Québec. Les gens se disent : ça se peut pas qu’on réussisse en picolant et en ayant du fun. »

À visage découvert

Dans le film Durs à cuire, Normand Laprise représente un peu la voix de la raison. Plus posé que ses jeunes collègues, c’est le chef du Toqué! qui offre la réflexion la plus cohérente sur le monde de la haute cuisine. « J’haïs pas ça, on me donne le rôle de père! » a-t-il rigolé cette semaine.

Pendant que ses copains et collègues festoyaient devant la caméra, il a préféré se garder une petite gêne. « Je suis une personne plus timide et moi, j’ai un principe : je ne bois pas devant des étrangers. Quand je fais la fête, c’est avec des amis et personne ne le voit. Eux, on les voit passer! » a-t-il lancé, montrant de la tête son sous-chef, Charles-Antoine Crête, et le réalisateur Guillaume Sylvestre, qui avaient profité de leur passage à Québec pour se monter une impressionnante facture de minibar.

Au dire des cuisiniers, personne ne s’est retenu de montrer son vrai visage, au boulot comme après. Quitte à couper au montage les séquences moins gracieuses qu’on ne souhaitait pas voir à l’écran.

« C’est vraiment la version soft!  », résume Charles-Antoine Crête, loin de se prendre la tête avec  la  situation.  «  Pendant 10-15 heures dans une semaine, on sort un peu, on fait la fête. À côté de ça, on passe 70-75 heures au restaurant. (...) C’est le fun de voir le paradoxe : on fait la fête, mais le lendemain, il faut se lever et faire ce qu’on a à faire. Tu ne peux pas juste te péter la face et ne rien faire après. »

Autant Charles-Antoine Crête que Normand Laprise affirment que Durs à cuire brosse un portrait honnête de leur philosophie de cuisiniers. « Les gens pensent souvent qu’on est des gros pédants... C’est pas juste ça, la cuisine. Il y a une équipe, il y a des producteurs, il y a une intégrité et des principes à respecter », avance le sous-chef.