Les 10es Rencontres du documentaire de Montréal se sont ouvertes hier soir avec la projection de Junior, un film qui montre le hockey sous un jour inédit. La Presse s'est entretenu avec les réalisateurs Isabelle Lavigne et Stéphane Thibault.

Dans Junior, Isabelle Lavigne et Stéphane Thibault se penchent sur la vie hors glace d'une équipe de hockey junior, le Drakkar de Baie Comeau. Pendant un an, ils l'ont suivi. Ses hauts, ses bas, sa saison, et surtout ses personnages colorés et passionnés. En une année à Baie-Comeau, 150 jours de tournage, quatre mois de montage, ils ont glané des moments révélateurs de la vie d'une équipe et de la vie des joueurs.

Ce qui saisit dans les 95 minutes de Junior, c'est l'accès de la caméra à des scènes frappantes (le renvoi d'un joueur) et à des lieux souvent fermés au public (les vestiaires). «La magie du hockey, c'est que les personnages sont tellement passionnés qu'ils nous oubliaient super facilement. On est devenus des plantes décoratives dans leur vie», plaisante Isabelle Lavigne. «Le bon côté, c'est qu'on a accès à ces scènes. Le mauvais côté, c'est quand tu fais le pied de grue et que tu te dis: il ne se passe vraiment rien», dit Stéphane Thibault. «On a eu beaucoup de temps pour réfléchir. C'est le secret du film: de prendre le temps», complète Isabelle Lavigne.

Dans Junior, on voit le hockey du côté des coulisses, côté cuisine interne, côté business. Et s'il y a quelque chose qui frappe le néophyte, c'est la hiérarchie à laquelle obéissent les jeunes joueurs. «Ce sont des athlètes de haut niveau. Ils ne sont pas seuls, comme dans les sports individuels. Ils sont 24 jeunes. Il faut les tenir. C'est pas l'armée, mais ça prend de la discipline», nuance Stéphane Thibault.

Tout au long de la saison 2005-2006, le drakkar de Baie-Comeau est en reconstruction. Il faut que les «boys» gagnent à nouveau des matchs. Il faut que l'équipe reprenne son élan. Il faut enfin, continuer à plaire aux actionnaires, et aux spectateurs. Car le hockey est un sport de haut niveau, mais aussi une affaire de gros sous.

«On n'avait pas le goût de faire un film de fan. Tout ce qui a été tourné sur les 40 dernières années sur le hockey, il y a toujours un rapport romantique ou nostalgique avec ce sport, constate Isabelle Lavigne. Le but n'est pas de descendre notre sport national, mais de le faire redescendre de son piédestal.»

Pour Junior, Isabelle Lavigne reprend les ingrédients qui avaient fait 4125, rue Parthenais, son premier long métrage. Pour capter la richesse des histoires, des personnages d'un milieu donné, Stéphane Thibault et elle-même se sont installés pendant un an à Baie-Comeau, et livrent un film qui ne juge pas, ne révèle aucun scandale, mais montre, tout simplement, des vies.

«On n'approche pas le documentaire de façon militante. On a envie de raconter une histoire, et le hockey permet ça, avec ses hauts et ses bas, dit Isabelle Lavigne. On est allés en profondeur, et on travaille un peu comme des anthropologues. On est arrivés avec candeur, et on est restés les yeux ouverts.»

Le duo envisage une nouvelle immersion dans un microcosme aussi éloigné du hockey junior que les HLM montréalais peuvent l'être. Leur prochain documentaire portera sur les danseuses populaires en Égypte. Là encore, les réalisateurs vont aller vivre au plus près de leurs personnages. «Ce n'est pas toujours évident, mais ce sont des expériences incroyables», dit Stéphane Thibault.

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Les RIDM se déroulent à Montréal jusqu'au 18 novembre. Aujourd'hui, toutes les projections de films sont gratuites. Junior sera présenté le 12 novembre, à la Grande bibliothèque à 19 h. Tous les renseignements: www.ridm.qc.ca