Pour beaucoup, Hollywood est synonyme de paillettes et de glamour. Mais la grève des scénaristes de cinéma et de télévision lancée lundi par le syndicat des auteurs (Writers Guild of America, WGA) a fait entrer dans la lumière un monde des petites mains, celles qui restent derrière la caméra, «derrière la ligne», comme on dit dans le jargon de la production américaine.

Le scénariste du célèbrissime jeu télévisé américain Jeopardy, Andrew Price habite ainsi une petite maison, rembourse régulièrement l'emprunt de sa voiture et affirme que ses collègues auteurs, comme lui, vivent au rythme du «métro-boulot-dodo». Sean Duggan, 38 ans et directeur artistique, porte rarement de smoking et mène une vie plus normale que royale. «Quand on parle de tapis rouge, moi je suis le gars qu'on appelle pour le dérouler», dit-il.

Andrew Price et Sean Duggan pourraient pourtant représenter le vrai Hollywood: son autre face, industrieuse, où les gens sont salariés, roulent en Toyota et mènent des vies tranquilles. La plupart des membres du WGA perçoivent un salaire annuel où s'alignent rarement plus de cinq chiffres. Et pourtant, à l'instar de leurs collègues maquilleurs, éclairagistes et décorateurs, ce sont eux qui font tourner Hollywood.
Ou pas.

Depuis le début de la grève lundi, le mouvement de protestation des scénaristes, qui réclament une revalorisation de leurs droits d'auteur sur les ventes de DVD et la diffusion de films et émissions de télé sur Internet, a en effet interrompu les tournages d'une douzaine d'émissions télévisées, parmi lesquelles des séries très suivies comme Desperate Housewives, 24 ou The Office. Les longs métrages pourraient bientôt être aussi concernés.

Un employé du secteur gagne en moyenne 73 000 dollars (49 717 euros) par an, un revenu confortable, supérieur de 80% au salaire national moyen, d'après une étude de 2006 de la Motion Picture Association of America. Des chiffres trompeurs toutefois, car l'organisation a inclus dans ses calculs les salaires des cadres, payés des millions. Or la plupart des salariés d'Hollywood gagnent beaucoup moins -quand ils travaillent tout court.

Selon l'Alliance internationale des employés de théâtre Local 44, la majorité des 6 000 charpentiers, soudeurs ou décorateurs qu'ils représentent touchent de 50 000 à 80 000 dollars par an (34 052 à 54 485 euros), a précisé le trésorier de l'organisation Elliot Jennings.

Des revenus «corrects», permettant de vivre selon les standards de la classe moyenne, a-t-il commenté. Mais l'emploi dans le secteur est irrégulier et 10 à 15% de la main d'oeuvre ne travaille pas de façon régulière, une situation que n'arrange en rien la délocalisation croissante des tournages à l'étranger et plus récemment, la grève des scénaristes.

Posséder une carte du syndicat des acteurs, la Screen actors guild, ne donne pas plus l'assurance de rencontrer le succès. Certains de ses membres passent plus de temps à traquer le cachet qu'à jouer. Ce qui explique pourquoi la plupart d'entre eux gardent un petit boulot alimentaire.

Scénariste suédoise de 48 ans attirée par les lumières d'Hollywood, Diana Ljungaeus s'est vite aperçu que là-bas, «personne n'est vraiment ce qu'il semble être». «Si vous prenez un taxi, le chauffeur sera réalisateur. Et votre caissier se révèle être un acteur qui ne fait ce boulot que pour joindre les deux bouts», raconte-t-elle. Elle-même cumule deux emplois pour pouvoir continuer à écrire. «Très peu de gens peuvent vivre de leur activité au théâtre, au cinéma ou à la télévision. Ils sont peu mais vivent très bien. Les autres, plein d'espoir, doivent se battre pour survivre».

(AP)