Le credo artistique du directeur photo Pierre Mignot reste simple. Entre esthétique et émotion, cet artiste de l'image cherche la vérité, le sens.

«J'ai toujours essayé de mettre en images la vision du réalisateur. J'essaie de participer au scénario avec la lumière», souligne celui qui vient de recevoir, à 63 ans, le prix Albert-Tessier 2007, la plus haute distinction cinématographique au Québec.

Et sa carrière est loin de décliner. Il vient de réussir un tour du chapeau en remportant de 2005 à 2007 le Jutra de la meilleure direction photo pour trois films très différents: Le papillon bleu de Léa Pool, C.R.A.Z.Y., de Jean-Marc Vallée et Un dimanche à Kigali, de Robert Favreau.

«Let's go, on continue», lance-t-il à ce sujet. Bon an, mal an, il participe à au moins deux projets et l'artiste en lui souhaite encore faire mieux. Pas par ambition, ni par nostalgie, mais pour le plaisir de dire en images.

«J'ai hâte de faire des films avec moins de plans et des séquences plus longues. Ça va revenir, je crois. Je pense à Pacino dans Le parrain, vu de dos. On sent tout le poids du monde sur ses épaules. Sans un mot, tout est dit. À mon avis, il faut revenir à des plans plus signifiants», raconte-t-il.

Son chemin de DOP, comme on dit dans le milieu (Director of photography), est exemplaire à ce sujet. Il a mis en images J.A. Martin, photographe, de Jean Beaudin en 1977. Pierre Mignot est également responsable des réussites visuelles suivantes: Maria Chapdelaine (1983) de Gilles Carle, À corps perdu (1988) de Léa Pool, La vie fantôme (1992) de Jacques Leduc et (1998) de Robert Lepage.

Plus de 100 films

En près de 40 ans de carrière, Pierre Mignot, a agi comme directeur photo dans plus de 100 films. Il vient de terminer Cruising Bar II de Robert Ménard et il espère tourner avec Léa Pool à nouveau en 2008.

Ce qui l'intéresse dans un projet, ce sont les affinités avec l'équipe, la relation qu'il peut avoir avec le cinéaste et la façon d'aborder le sujet. Pour cette raison, il travaille souvent pour des cinéastes avec qui il s'entend bien: Jean Beaudin, Robert Ménard, Léa Pool et Roger Spottiswoode.

Il a aussi tourné neuf fois avec le célèbre cinéaste américain Robert Altman, disparu l'an dernier. En 1982, il avait d'abord relevé le défi technique de Come Back to the Five and Dime, Jimmy Dean, où la caméra devait capter les acteurs à travers des miroirs sans tain.

Suivront d'autres comme Fool for Love (1985) et Prêt-à-porter (1994). Mais Pierre Mignot avoue avoir été déçu, comme bien d'autres ici, quand le grand maître a déclaré quelques mois avant de mourir que ses compatriotes devaient encourager les techniciens américains plutôt que de continuer de tourner des films au Canada…

Hollywood

Mais l'artisan créateur qu'il est, selon ses propres mots, n'est pas du genre à ressasser ses choix de films. Il a, par exemple, travaillé sur The 6th Day en 2000, un film d'action hollywoodien avec Arnold Schwarzenegger.

«Je ne le regrette pas mais je ne le referais pas non plus. J'avais dit non deux fois à Roger Spottiswoode avant d'accepter. Dans le fond, j'aime le cinéma québécois, le cinéma intime et intimiste», avoue-t-il.

Il a joué seulement deux fois au cinéaste: un court métrage et un film pour la télévision, Blue la magnifique (1989) avec Denise Filiatrault et Geneviève Rioux.

«Parfois les réalisateurs passent cinq ans sans tourner. Je ne le pourrais pas, dit-il. En plus, je n'ai pas le bagout pour aller défendre un film pendant six mois. Puis, l'apport créatif que j'ai dans un film me suffit. Un scénario de film, c'est comme un opéra. L'acteur est le chanteur. Le réalisateur, le chef d'orchestre et le directeur photo, le premier violon.»