Chose promise, chose due. Montréal a eu droit à sa manifestation de scénaristes hier. Ils étaient 125 à défiler dans la rue, en soutien à leurs confrères américains, et en prévision des futurs combats à mener au Canada et au Québec.

«La manifestation est un appui international aux scénaristes américains. C'est une lutte qui va nous servir à tous, avec, à l'avenir, de nouvelles plateformes numériques», a expliqué Marc Grégoire, scénariste et président de la Société des auteurs de radio, de télévision et de cinéma (SARTEC).

Venus de la télévision ou du cinéma, francophones ou anglophones, les manifestants ont défilé depuis les locaux de la SARTEC, rue Panet, vers TVA et la maison de Radio-Canada, reprenant le slogan: «Pas de contenu sans auteur, pas d'histoire sans auteur et pas de DVD sans auteur.»

Au Québec, à l'inverse des États-Unis, aucun contenu télévisé n'est encore disponible intégralement sur l'internet. Avec la multiplication des plateformes de diffusion, ce n'est qu'une question de temps avant que la question ne se pose avec acuité, craignent toutefois les scénaristes.

Pour les scénaristes de télévision, «ce qui est payant, c'est la diffusion chez des diffuseurs conventionnels. Si elles ne se font plus, il faut que les revenus de la télé soient remplacés par leur équivalent internet», explique Yves Légaré, directeur de la SARTEC.

Mais voilà: internet et les nouvelles plateformes de diffusion, aujourd'hui, «c'est comme le Far West», décrit Patrick Lowe, scénariste. Se mobiliser, «c'est plus que prévoir l'avenir, c'est actuel, dit-il. Aujourd'hui, aux États-Unis, toutes les séries sont diffusées sur l'internet.»

Cette inquiétude était largement partagée par les manifestants. Pour Chantal Cadieux, scénariste de Providence, «il faut prévenir ce genre de choses. On a des droits d'auteur, mais ils ne sont pas encore négociés pour les nouvelles plateformes. C'est pour ça qu'on est ici. La lutte aux États-unis nous concerne, on va se retrouver avec les mêmes problèmes.»

Également au coeur des préoccupations des scénaristes, la question des droits d'auteurs sur la vente des DVD. Pour les scénaristes de cinéma, il s'agit là d'un enjeu majeur. «Le principe est le suivant: quand il y a un grand succès, il faut que les créatifs en aient une partie, croit Alex Epstein, l'un des scénaristes de Bon Cop, Bad Cop. Je ne me plains pas, mais le succès de Bon Cop, Bad Cop arrive aussi après les autres boulots que je fais.»

Au Québec, tout comme au Canada actuellement, les auteurs ne perçoivent qu'une infime partie des revenus liés à la vente des DVD. Dans le cortège, Jacob Potashnik, scénariste de Stardom, illustre le problème avec l'exemple de Fido, une comédie de zombies canadienne.

«Le film a été tourné avec 8 millions, mais il a fait moins de 500 000 $ au guichet. Le DVD, lui, a fait plus de 3 millions. Ça n'a pas rattrapé le coût du film, mais c'est un plus grand succès. Au moins, les scénaristes ont pu récupérer un peu sur le DVD. Mais imagine: le distributeur touche de l'argent. Tout le monde en touche, sauf l'écrivain.»

«C'est une façon de se faire reconnaître et de revendiquer une partie des droits qui nous reviennent. C'est à nous de nous remettre à niveau», estime Benoît Guichard, scénariste de Nitro, un film qui doit prochainement sortir en DVD.

Le cortège comptait également des scénaristes anglophones tels que John Hazlett (These Girls) ou l'écrivain Trevor Ferguson, qui déplore que les scénaristes «cèdent leur travail pour rien en échange».