Rossif Sutherland est le fils d'on devine qui et le demi-frère de qui on sait. En vedette dans Poor Boy's Game de Clément Virgo, il chausse pour la première fois les souliers d'acteur au grand écran.

«Tu joues au baseball, tu joues au football. Mais tu ne joues pas à la boxe.» Ainsi s'exprime l'un des personnages de Poor Boy's Game de Clément Virgo, où le réalisateur de Rude explore les thèmes du pardon, du racisme et de l'impact de la «tribu» sur le comportement de ses membres, à travers l'histoire d'un jeune homme qui sort de prison et, retournant chez lui dans un quartier pauvre de Halifax, se retrouve confronté à son passé.

C'est-à-dire aux proches de l'adolescent noir que, neuf ans plus tôt, il a battu sauvagement et qui est resté handicapé, mentalement et physiquement, de l'agression. Coups il y a eu au début de ce conflit. Coups il y aura à la fin, puisque le "clan" de la victime veut voir le "bourreau" se faire donner une raclée en public, sur un ring de boxe.

Pour porter ce drame familial et social, le vétéran Danny Glover et le nouveau venu Rossif Sutherland. Le fils de Donald. Le demi-frère de Kiefer, qui venait d'être arrêté pour conduite avec facultés affaiblies au moment du passage de l'équipe de Poor Boy's Game à Montréal, pendant le Festival du nouveau cinéma. «Je n'ai pas beaucoup de contact avec Kiefer, dit-il dans un français impeccable. C'est un être très occupé qui vit à un rythme bien différent du mien», laissait tomber le comédien, qui est également auteur-compositeur-interprète.

Deuxième des trois fils que Donald Sutherland a eus avec sa deuxième épouse, l'actrice Francine Racette, une native de Joliette, Rossif Sutherland a en effet grandi à Paris. «Quand j'avais 7 ans, ma mère cherchait un endroit à l'écart de la célébrité de mon père pour élever ses enfants.» Et puis, pendant l'été et le congé de Noël, il y avait les vacances en famille, avec papa, dans les Cantons-de-l'Est. «Autrement, on voyait mon père de temps en temps, mais il enchaînait tellement les projets qu'à Paris, ce n'était pas une vie au quotidien avec lui.»

Jusqu'à 19 ans, il a vécu dans le 16e arrondissement, «chez les bourgeois», s'amuse-t-il. Puis, il est allé étudier à Princeton. La philosophie. C'est parce qu'il avait du temps libre qu'il a décidé de prendre des cours d'acting. Même s'il n'avait jamais eu le désir d'être comédien, il y avait la curiosité d'approcher ce métier qui court dans sa famille. «Je ne voulais surtout pas vivre ma vie dans les souliers de quelqu'un d'autre... et faire du cinéma, c'était chausser ceux de mon père.»

Sauf qu'il y a eu ce professeur, qui lui a ouvert les yeux. Lui a dit que tout le monde possède 100 paires de chaussures. Et que le métier de comédien lui donnerait l'occasion de toutes les porter. L'idée a plu à Rossif Sutherland. Il s'est installé à Los Angeles, même si ce n'est pas son «endroit favori au monde»: «Vivre là, c'est vivre entouré de gens qui cherchent à devenir populaire, à avoir leur photo dans les journaux. J'avais presque honte, au début, de dire que j'étais acteur.»

Il a survécu, survit encore. Avec le sourire. Et en musique. Parce qu'il a un jour découvert, dans un coin où il n'avait jamais cherché, une «paire de chaussures» dont il ignorait l'existence: «Je pouvais chanter!» Il peut aussi composer, paroles et musiques. Il sortira d'ailleurs un disque à Noël et un autre, au printemps. «Chanter, c'est magique pour moi. J'ai grandi en ignorant que j'avais ce talent! Et quand je chante, il n'y a pas de rôle. C'est moi, tout nu avec des vêtements.»

Poor Boy's Game l'a toutefois poussé à faire tomber la chemise, la vraie, pour endosser celle de l'acteur. Et s'entraîner. Physiquement, afin de pouvoir boxer. Mentalement, pour se glisser dans l'âme d'un jeune homme en quête de pardon à un point où il accepte d'entrer dans la cage aux lions. Sur le ring où les amis, la famille, la «tribu» du garçon qu'il a agressé autrefois, veulent le voir prendre des coups. «Mais quand mon personnage sort de là, il sort avec sa vie.»

Rossif Sutherland a aimé l'expérience. La répétera probablement. Pas à tout prix, par contre. Les plus confortables de ses chaussures ne sont pas celles qui marchent devant les caméras: «Le cinéma, conclut-il, est ma concubine. La musique est la femme de ma vie.»

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Poor Boy's Game a pris l'affiche hier, en anglais seulement.