Un peu à la manière de Rohmer, qui a envoyé Pauline à la plage, Noah Baumbach a fait aller Margot à la noce de sa frangine. Rencontre avec le cinéaste et ses deux actrices, Nicole Kidman et Jennifer Jason Leigh.

Nicole Kidman dit «aimer les voix originales». Elle ne parle pas de celle de son mari, le chanteur country Keith Urban (quoique...) mais de celle du cinéaste Noah Baumbach - que l'on a découvert avec le succès-surprise The Squid and the Whale et qui nous revient avec Margot at the Wedding, dans lequel l'actrice australienne tient le rôle titre.

«Mon principal intérêt professionnel est de travailler avec des réalisateurs originaux qui m'offrent la chance de jouer des personnages complexes. Le résultat est, parfois, un film formidable et, parfois, le but n'est pas atteint. Noah est un de ces réalisateurs singuliers et Margot, un personnage qui représentait un défi intéressant», racontait la comédienne lors d'une conférence de presse tenue à New York au début du mois.

Margot, donc, est une femme brillante, à l'esprit vif et à la repartie facile. Elle écrit des nouvelles. Vit à New York. Avec son fils duquel elle est très proche et son mari duquel elle s'éloigne. Bref, elle traverse une période de crise et flirte avec la dépression quand elle se rend dans la propriété où elle a grandi, au bord de l'océan, afin d'assister au mariage de sa soeur (Jennifer Jason Leigh) avec un artiste rigolo mais sans travail (Jack Black).

Les deux femmes n'ont rien en commun, ne se parlent plus depuis longtemps. Et leurs retrouvailles font surgir les fantômes du passé. Font remonter à la surface ces choses non dites. Ouvrent les failles dans les personnalités. Font exploser les rancoeurs.

L'idée de Margot at the Wedding est née d'une image. Noah Baumbach a «vu» un garçon et sa mère dans un train. À ce moment-là, il accordait des entrevues pour The Squid and the Whale et s'étonnait de ce que les journalistes imaginaient être autobiographique dans cette comédie dramatique qui raconte l'éclatement d'une famille dans les années 80.

C'est probablement là que Margot est devenue auteur. Qu'elle aussi a dû faire face à de telles questions. S'en est amusée. Puis, fâchée. «Margot, c'est moi dans mes pires moments», affirme le cinéaste, qui a écrit et réécrit ce scénario, couche après couche, l'esprit ouvert à l'inspiration et aux suggestions de son épouse, Jennifer Jason Leigh.

«J'espérais que Noah me donne un rôle, bien sûr! J'aime ces histoires où il n'y a pas de grandes révélations sur les personnages mais où l'on sent leur profondeur, leur complexité», indique la comédienne qui a appris, très jeune, à «lire des scénario» - sa mère, Barbara Turner, en écrivait - et qui a adoré être dirigée par son mari: «Je voulais qu'il voit de quoi je suis capable, le surprendre, lui montrer ces aspects de moi qu'il n'a jamais vus dans notre vie quotidienne.»

«Ils sont les prochains John Cassavetes et Gena Rowlands. Ils vont faire d'autres films ensemble», affirme pour sa part Nicole Kidman, qui ne connaissait pas personnellement le couple avant le tournage. Mais elle n'a pas hésité à accepter l'invitation de Noah Baumbach. Ils ont pris un café, il lui a donné le scénario, elle l'a appelé le lendemain. C'était un oui.

«Son texte est malicieusement drôle et le personnage de Margot me rappelle celui que j'ai interprété dans To Die For. Elle est sombre mais ne manque pas d'humour. J'adore.»

Elle a aussi goûté à la construction du scénario. Devenu si solide avec le temps qu'il est fermé à l'improvisation. «Le film était déjà là, sur papier.» Noah Baumbach abonde. Lui qui, pour en arriver là, a par contre pris le temps d'explorer. D'errer pour mieux trouver. La situation. L'atmosphère. Les mots. «L'important, pour moi, est de rester ouvert à tout dans les premières versions, explique-t-il. Ça amène des contradictions mais ça ouvre aussi des portes. Puis, tranquillement, les choses prennent leur place.» Fermement.

Grand amateur de cinéma européen - «Quand nous regardons des films tous les deux, la plupart du temps, c'est avec des sous-titres», plaisante d'ailleurs Jennifer Jason Leigh - le cinéaste a pensé, en écrivant, à Rohmer, pour Pauline à la plage et au Genou de Claire; et aux films que Bergman a signés dans les années 60. Il aimait cette idée de personnes isolées, dans le confort d'un lieu de vacances qui ne reflète pas du tout les tempêtes intérieures.

Tempêtes, donc, d'abord en retenue. Pour les mettre en scène de façon crédible, pour construire un semblant d'histoire commune, de passé, entre des acteurs qui ne se connaissaient pas, Noah Baumbach a fait répéter tout le monde pendant deux semaines, sur les lieux de tournage. «La plupart du temps, nous parlions de tout et de rien. Jennifer et moi nous sommes ouvertes l'une à l'autre, et c'est allé assez loin, note Nicole Kidman. Ça nous a vraiment aidé à bâtir la relation entre Margot et Pauline.»

Car la soeur de Margot s'appelle Pauline. Ce n'est pas une coïncidence.