Après Pride & Prejudice, un film sélectionné dans quatre catégories aux Oscars, Keira Knightley et Joe Wright refont équipe. Ils plongent cette fois dans l'univers d'Atonement, le roman à succès d'Ian McEwan.

Quand il s'était attaqué à l'adaptation Pride & Prejudice, Joe Wright avait tenu à choisir des acteurs ayant le même âge que les personnages issus de l'imagination de Jane Austen. Dans l'esprit du jeune cinéaste britannique, il s'agissait simplement d'une façon d'installer déjà un univers de façon crédible. Quand est venu le moment de sélectionner les interprètes d'Atonement, son second long métrage, Wright a instinctivement pensé offrir le rôle de l'héroïne du roman d'Ian McEwan à Keira Knightley, dont la magnifique performance dans Pride & Prejudice avait notamment été soulignée par une nomination aux Oscars. Or, l'actrice, aujourd'hui âgée de 22 ans, n'a pas voulu du rôle que lui proposait ce réalisateur avec qui elle avait déjà établi une bonne complicité. Elle préférait de loin prêter ses traits à la soeur aînée de l'héroïne, celle dont l'existence sera à jamais marquée par un mensonge terrible qu'entretient la frangine plus jeune.

«Je suis parvenue à convaincre Joe qu'il en serait mieux ainsi, expliquait Keira Knightley au cours d'une rencontre de presse tenue récemment à Londres. Je voulais me glisser dans la peau d'une femme à part entière, pas dans celle d'une fille sur le point de le devenir.»

Wright s'était d'ailleurs lui-même vite rendu à cette évidence. «Cela m'a frappé de plein fouet dès que nous avons entrepris la tournée des festivals avec Pride & Prejudice, raconte-t-il. La personne que j'avais alors à mes côtés n'était pas tout à fait la même que celle que j'avais connue au moment du tournage. Un peu comme si Keira avait mûri de façon soudaine. Cela était fascinant à voir. J'ai tenté de capter cette transformation à la caméra.»

Une histoire émouvante

Keira Knightley est coup sur coup à l'affiche de deux adaptations cinématographiques tirées d'oeuvres littéraires très appréciées. Si sa participation dans Soie relevait de l'évidence, dans la mesure où elle vouait une véritable obsession au roman d'Alessandro Baricco, celle dans Atonement tient plus de la belle surprise.

«Comme je n'avais pas lu le roman de McEwan avant de lire le scénario, je n'entretenais pas de fantasmes précis par rapport à un rôle. En revanche, j'ai été très émue à la lecture. Moi qui suis déjà très attirée par les histoires ayant pour cadre une autre époque, j'ai immédiatement pu commencer à imaginer ce qu'était la vie pour les femmes dans les années 30 et 40, particulièrement sur le plan des sentiments. Qui devaient être réprimés.»

Campé dans les années d'avant-guerre, s'étalant ensuite sur plusieurs décennies, le récit d'Atonement relate le parcours de Briony Tallis (Saoirse Ronan incarne l'adolescente; Romola Garai, la jeune adulte), une jeune fille issue d'une grande famille bourgeoise anglaise. À l'âge de 13 ans, cette dernière accuse l'amoureux de sa soeur aînée Cecilia (Knightley) d'un crime qu'il n'a pas commis. Et tentera toute sa vie durant de racheter cette faute qui, forcément, a eu des conséquences dramatiques. James McCavoy (The Last King of Scotland) incarne le jeune homme injustement accusé.

«En lisant le bouquin, j'ai tout de suite vu le film, précise le réalisateur Joe Wright. Qui a repris un projet que devait au préalable réaliser Richard Eyre (Notes on a Scandal). Le défi était toutefois assez terrifiant, car la trame dramatique est extrêmement riche. Et se laisse découvrir couche après couche. Il fallait ainsi trouver des équivalences sur le plan cinématographique au style d'écriture de Mc- Ewan. La façon la plus simple était de rester fidèle au roman le plus possible. C'est en ce sens que nous avons travaillé avec le scénariste Christopher Hampton.»

Hampton, précisons-le, est l'un des dramaturges les plus appréciés au Royaume-Uni. Il compte notamment à son actif l'extraordinaire adaptation des Liaisons dangereuses qu'a portée à l'écran Stephen Frears.

Un morceau de bravoure

Avec un scénario aussi solide en main, le cinéaste s'est ainsi laissé porter par l'idée d'un film parfaitement contemporain dont l'histoire doit impérativement se tourner vers le passé. Au passage, Wright se paie un morceau de bravoure sur le plan de la mise en scène en orchestrant un plan séquence d'une durée de près de six minutes avec environ un millier de figurants. Cette scène évoque le drame de soldats blessés au front, en 1940 sur la plage de Dunkerque, qui attendent d'être évacués en Angleterre.

«Cette scène-là devait être l'objet d'un montage, mais quelqu'un a suggéré qu'elle fonctionnerait peut-être mieux si nous la faisions en plan séquence, explique Wright. Tout le monde a ri. Y compris moi-même. Mais nous l'avons essayé. Nous l'avons répétée pendant une journée entière et l'avons tournée le lendemain. Les figurants ont été les vrais héros de cette journée.»

De façon générale, les acteurs ont d'ailleurs pu bénéficier d'une bonne période de répétitions, histoire d'harmoniser les accents et un style de jeu propre au cinéma des années 30 et 40.

«L'anglais qu'utilisent les personnages n'est pratiquement plus entendu aujourd'hui, fait remarquer Keira Knightley. Pour ainsi dire, leur mode de vie n'existe plus non plus. Voilà pourquoi j'aime plonger dans ces univers. Nous produisons beaucoup de films d'époque en Angleterre, car ce sont ceux-là qui, habituellement, s'exportent le mieux. Cela tombe bien, j'adore les films de ce genre!» La jeune actrice s'apprête d'ailleurs à tourner The Duchess sous la direction de Saul Dibb. Dans ce film à caractère historique, Keira Knightley incarnera Georgiana, la duchesse de Devonshire, une aïeule de la princesse Diana ayant vécu au XVIIIe siècle.