L'explorateur et homme de médias Jean Lemire livre avec Le dernier continent son film le plus personnel: le récit d'une année passée sur un voilier, dans l'Antarctique. Parti sur le Sedna IV avec une équipe de 12 personnes explorer et se renseigner sur le réchauffement climatique, Jean Lemire revient sur un voyage physique et «intérieur».

Bien sûr, Le dernier continent parle d'environnement. Mais dans la narration de ce documentaire, Jean Lemire parle aussi de lui, de ses impressions sur ce long voyage. Il laisse aussi la parole aux membres de l'équipage. «Le film ne pouvait pas être autre chose que le côté humain. Il y a peu de science, il fallait que le public vive avec le changement climatique», explique-t-il.

En Antarctique, la température a gagné de 2,5 degrés depuis 50 ans. L'équipage du Sedna IV s'attendait à passer l'hiver dans la glace, et il n'a trouvé que de la pluie et des tempêtes. «On a eu de la pluie, alors que historiquement, ça doit être un climat sec. Le climat de l'Antarctique est en train de devenir tempéré, et les hivers ressemblent à ceux de Moncton», poursuit Jean Lemire.

Bien sûr, le film comporte des images magnifiques du bout du monde, mais rien ne s'est passé comme prévu. L'équipage s'attendait à pouvoir profiter de la glace pour sortir, explorer les environs de la baie où le voilier passait l'hiver. Le climat en a voulu autrement. «On a dû se battre parce qu'il n'y avait pas de glace. On s'est retrouvés en condition de survie. Le film est devenu notre propre lutte. On était devenus des réfugiés climatiques», raconte Jean Lemire.

«On ne pouvait pas sortir, on ne pouvait rien faire. On n'a pas été seulement des observateurs du réchauffement, on l'a vécu», dit Mariano Lopez, intervenant social sur le bateau.

Dans des conditions de vie difficiles, l'équipage a vécu aussi une aventure humaine. «C'est là où le mot concession prend tout son sens dans des conditions de survie», estime de son côté Jean Lemire.

Si le documentaire rend compte des états émotifs des membres de l'équipage, cela ne peut, dit Jean Lemire, qu'illustrer les bouleversements climatiques. «Il y a des gens qui ont donné une partie de leur vie pour constater le réchauffement, dit Jean Lemire. Et il n'y a pas de meilleur message que de vouloir protéger ce qu'on aime. On n'a pas de besoin d'en rajouter, ni de faire la morale, ni des graphiques.»

Au retour de l'expédition, Jean Lemire a passé plusieurs mois en salle de montage pour préparer son long métrage Le dernier continent. Si l'expédition s'est faite en groupe, le montage, lui, s'est fait en petit comité: «Très peu de monde ont eu accès au montage. Je voulais une approche plus personnelle. Je voulais que le film soit monté comme une fiction», dit-il.

L'expédition a bouleversé la vie de bien des membres de l'équipée. Mariano Lopez évoque le stress, la perte de poids, et cette vie retrouvée sur la terre ferme qui n'est plus celle que l'on veut vivre. «Dans le film, il y a deux voyages. L'un dont la destination est connue, et l'autre, le voyage intérieur, celui qu'on est toujours en train de vivre», conclut-il.