La bande de fous (c'est un compliment) derrière ces fausses biographies filmées que sont Anchorman: The Legend of Ron Burgundy et Talladega Nights: The Ballad of Ricky Bobby revient en grande force et grande forme avec Walk Hard: The Dewey Cox Story. La Presse a rencontré ces types qui entendent à rire.

«Walk Hard. Hard, when they say you're all done. Walk Hard. Hard...» C'est la chanson qui, dans les années 50, a propulsé Dewey Cox au sommet des palmarès. On comprend: cet air est un puissant ver d'oreille. À ne consommer qu'avec précaution.

À partir de là, Dewey Cox a connu les feux de la rampe - et leurs brûlures. Artiste caméléon, il a su s'adapter à toutes les modes, à tous les styles. Il a ainsi traversé les décennies. Il a côtoyé Elvis Presley et les Beatles, flirté avec les manières de Bob Dylan et celles de Sonny and Cher, a tâté à toutes les drogues et à exactement 411 femmes, s'est marié avec trois d'entre elles dont il a eu 22 enfants. Du matériel à légende vivante.

Pas étonnant que les hauts et les bas de cet homme hors du commun fasse l'objet, en long, en large, et en (beaucoup de) travers d'une biopic. Voici donc Walk Hard: The Dewey Cox Story.

Dewey qui? Cox. Connaît pas?! Normal. Jusqu'au 21 décembre, il n'existe que dans la tête des artisans du film et des privilégiés qui ont eu la chance de le voir. Puisque Walk Hard est une parodie des biographies filmées du genre de Walk the Line. La parenté dans les titres n'est pas plus accidentelle que la sonorité du nom de famille de l'artiste incarné par John C. Reilly (dès l'âge de 14 ans même s'il en avait 41 au moment du tournage - après tout, ce sont les mêmes chiffres, simplement inversés); et imaginé par Jake Kasdan et Judd Apatow (coauteurs du scénario et, respectivement, réalisateur et producteur du film).

Bref, les gars derrière Anchorman: The Legend of Ron Burgundy et Talladega Nights: The Ballad of Ricky Bobby, qui sont aussi responsables - ensemble ou séparément - de Knocked Up et autres 40-Year-Old Virgin, sont de retour. Ça donne une idée du sérieux de la chose. Qu'en fait, ils prennent très au sérieux.

«Nous avons fait écrire 32 chansons pour ce film, indique Jack Kasdan. Ça va du bon vieux rock au disco en passant par du rockabilly manière Roy Orbison, le duo country et la chanson à texte façon Bob Dylan». À texte, indeed. «Dear Mr. President, I stand for the midget, I stand for the Negro, I stand for the Injun all hopped up on booze», chante Dewey. On s'en doutait, la rectitude politique n'est pas leur tasse de thé.

Toujours en préparation pour l'écriture du scénario, «nous avons regardé beaucoup de biopics, souligne Judd Apatow. On a noté que la structure était toujours la même. La percée, la montée, la chute, le redressement, la rechute... et ainsi de suite jusqu'à la finale, qui est souvent en forme de rédemption.»

«J'ai vu tous les films auxquels nous faisons référence... et il y en a beaucoup! ajoute John C. Reilly. Aucun artiste n'aurait pu être aussi caméléon que Dewey Cox mais nous tenions à ce que notre «documentaire» soit le plus réaliste possible.» Entendre à rire, oui, mais avec professionnalisme.

Même dans cette scène ineffable où Dewey Cox court dans les rues, seulement vêtu d'une couche, qu'il renverse des bagnoles et arrache des clôtures. «C'est une de mes scènes préférées», fait John C. Reilly. L'une des autres est sa rencontre percutante dans les coulisses d'un spectacle avec... Elvis Presley (ô l'apparition: le King est incarné par Jack White de White Stripes!). La palme, par contre, pour lui, pour Jack Kasdan, pour Judd Apatow... et certainement pour tous ceux qui verront Walk Hard, est la rencontre entre Dewey et les Beatles.

On ferme les yeux et on imagine. Ça vaut le coup. Jack Black en Paul McCartney. Paul Rudd en John Lennon. Jason Schwartzman en Ringo Starr. Justin Long en George Harrison. Avec accents à l'avenant et des propos qui sentent l'éclatement prochain du groupe. Musique indienne et chemises colorées et fumées qui ne sont pas que celles de l'encens ajoutent au comique de la scène. Plus psychédélique que ça, on est dans Yellow Submarine. D'ailleurs, on y sera un peu, beaucoup, «hilarement».

«C'est la formule Apatow: être le plus honnête possible même dans les scènes et les sujets les plus tordus», fait John C. Reilly qui l'est lui-même pas mal - honnête, s'entend. Quand on lui demande comment il se sent dans la peau de l'acteur tenant le rôle principal, lui qui a fait carrière en jouant les seconds rôles, il se fend d'un sourire amusé: «C'est vrai, dit-il, qu'en tant qu'acteur principal, on a un traitement différent... mais peut-être pas dans le sens où vous l'imaginez.»

«On t'offre d'aller t'apporter une bouteille d'eau pour, en fait, savoir où tu vas être maintenant que ta scène est terminée. On t'annonce qu'on t'a commandé quelque chose de spécial pour le lunch et que ça va arriver d'une seconde à l'autre... pour ne pas que tu t'éloignes du plateau. Bref, on veut te contrôler et t'infantiliser. Il faut le savoir, et ne pas se laisser faire. Vous savez, je suis capable d'aller me chercher une bouteille d'eau et même de me faire un café!»

Voilà qui est rassurant - autant en ce qui concerne son autonomie que sa manière d'être terre-à-terre. En cela, il n'est pas du tout Dewey Cox, ce John C. Reilly!