De la banlieusarde peu dégourdie sexuellement de C.A. à l'aguicheuse de l'autoroute 20 dans Québec-Montréal, de l'aventurière presque orpheline de père des Invasions barbares à la chanteuse écorchée vive de Monica la mitraille, Isabelle Blais a tenté bien des choses devant les caméras en peu d'années de métier. Rencontre avec une actrice qui se laisse porter par une carrière toujours plus stimulante.

Depuis qu'elle a été dirigée par André Turpin dans Un crabe dans la tête, en 2000, l'actrice de 32 ans a charmé plus d'un réalisateur. On semble se bousculer pour lui offrir des rôles. Une valeur sure? Assez pour qu'une affiche de la campagne publicitaire 2007-2008 du TNM (elle y jouera en mars dans La petite pièce en haut de l'escalier), installée tout en haut de l'édifice de la rue Sainte-Catherine, à Montréal, ne montre qu'elle. Le coeur léger, le sourire aux lèvres. «C'est quelqu'un qui n'a pas de barrières, qui est assez solide dans le métier pour prendre des risques», note le réalisateur Richard Jutras.

Au tournant de 2008, la vie sourit encore à Isabelle Blais qui n'a pas pris comme résolution de moins travailler. Aucun répit, ou si peu, avant juillet! «Pendant les Fêtes, j'étais libre. J'ai vu des amis. Je me suis reposée, mentionne-t-elle. Je savais qu'à partir du 7 janvier, je vivrais une période très intense.»

Prendre des risques pour Isabelle Blais signifie autant jouer l'impossible devant la caméra que sacrifier des rôles pour le projet qui lui tient le plus à coeur: Caïman Fu, son groupe de musique. Si l'actrice aime bien matérialiser la vision de réalisateurs et scénaristes, elle ne peut s'enlever de la tête la production du troisième album de son groupe (qui sera lancé en avril). Une nécessité. «Chanter, c'est mon projet, mon bébé. Et, à un moment donné, l'an dernier, j'ai eu l'impression de ne pas prendre soin de mon bébé. Certains acteurs se lancent dans la mise en scène, moi, c'est dans la musique avec mon groupe. J'ai alors l'impression d'être responsable de tout. Ça me tient en vie. L'automne dernier, j'ai d'ailleurs fait peu de choses pour écrire des chansons. Ça m'apporte un équilibre mental! Je ne veux rien faire pour compromettre le projet Caïman Fu.»

Cela dit, comme en 2007, les prochains mois seront faits de répétitions, de tournages et de tournées promotionnelles pour Isabelle Blais. Une nouvelle saison de C.A. est dans le collimateur. On verra sous peu son incarnation de Kiki à qui Marie-Sissi Labrèche a donné vie dans ses romans. Mais deux semaines avant la sortie de Borderline, le film attendu de Lyne Charlebois, l'actrice arrive sur les écrans du Québec en empruntant un chemin de campagne. Dans un film au budget famélique tourné à Québec, il y a un an et demi: La belle empoisonneuse de Richard Jutras (voir ci-dessous).

Se mettre à nu

Comment justifie-t-elle ses choix au cinéma et à la télé?

«Je n'ai pas le choix tant que ça, répond-elle. Je ne reçois pas 15 scénarios à l'heure. On pense simplement plus à moi qu'à mes débuts. Pour La belle empoisonneuse, Richard m'a proposé un rôle, mais il voulait m'entendre lire. Pour Borderline, j'ai fait deux auditions en bonne et due forme.»

Deux actrices étaient sérieusement en lice avant elle pour le rôle de Kiki.

«Borderline, c'est une rencontre. J'étais dû pour jouer Kiki, conclut Isabelle Blais. Je suis contente de pouvoir auditionner, mais chaque fois je me sens toute nue, scrutée à la loupe. Je comprends le réalisateur qui a besoin de voir. Le processus n'est pas plaisant, mais je l'accepte. J'essaie de ne pas le prendre personnel.»

À compter du 8 février, Borderline de Lyne Charlebois nous présentera donc Isabelle Blais en fille à l'estime brisée. «J'incarne une femme qui s'est longtemps contentée de miettes affectives, raconte l'actrice. Qui s'est longtemps dit qu'elle ne méritait pas mieux. Mais là, elle veut que ça change. Elle ne veut pas devenir folle comme sa mère et veut se faire aimer à sa juste valeur. C'est une combattante.»

Dans La belle empoisonneuse (en salle vendredi, le jour de l'anniversaire d'Isabelle Blais), Richard Jutras a plutôt imaginé l'actrice en gosse de riche, blessée intérieurement qui hésite à ouvrir son coeur à un grand romantique (Maxime Denommée).

«Elle est tourmentée, explique Blais. Elle a perdu le sens de l'essentiel. Elle fait les mauvais choix.»

La belle empoisonneuse a à la fois des airs de comédie romantique, de tragédie grecque et d'oeuvre poétique. «Au Québec, on fait surtout de l'hyperréalisme. Richard Jutras a eu l'audace de mélanger les genres.»

Dans les deux cas, Isabelle Blais a remis sa destinée professionnelle entre les mains de réalisateurs de premier long métrage. Comme pour Bluff (de Simon-Olivier Fecteau et Marc-André Lavoie), en fin d'année 2007.

«C'est un hasard, note celle qui a aussi été dirigée par Ricardo Trogi (Québec-Montréal) et Yves Pelletier (Les aimants). Dans ces cas, chaque fois, une réelle complicité se crée. On collabore vraiment avec le réalisateur. On cherche ensemble. Cela dit, dès que j'embarque dans une production, j'ai confiance. Je plonge. J'essaie de faire de mon mieux pour le film. Ça me rend moins égoïste.»