Si trois femmes gagnent chichement leur vie en manipulant des millions de dollars, comment s'étonner qu'au bout d'un certain temps, elles soient tentées d'en «détourner» quelques-uns? Rencontre avec les drôles de dames de Mad Money.

Chaque année, la Réserve fédérale américaine (FED) détruit quelque 10 milliards en billets verts remplacés par des dollars tout neufs. Il existe donc des gens dont le métier est de faire disparaître de l'argent. Question: voler quelque chose qui n'existera bientôt plus est-il vraiment voler? Non, répondraient certainement les protagonistes de Mad Money de Callie Khouri.

Vaguement inspiré d'un fait divers survenu en Angleterre et qui, il y a six ans, a servi de base au téléfilm britannique Hot Money, cette version américaine de «l'incident» met en vedette Diane Keaton, Queen Latifah et Katie Holmes. La première incarne une bourgeoise aisée dont le mari (Ted Danson) vient de perdre son emploi et qui, pour éviter la faillite familiale, devient concierge à la succursale Kansas City de la FED. La deuxième, une mère célibataire qui rêve d'envoyer ses deux enfants à l'école privée et ne voit pas l'amour qui est peut-être à portée de sa main (incarné par Roger Cross, l'agent Manning de 24). La troisième, une jeune bohème qui vit dans une roulotte avec son copain (Adam Rothenberg) et a l'âme à l'aventure.

Bref, trois femmes qui n'ont rien en commun. Et qui vont unir leurs efforts pour se sortir de leur misère. Grâce à l'écriture de Glenn Gers (Fracture) et sous la caméra de Callie Khouri, à qui l'on doit deux grands personnages féminins du cinéma américain puisqu'elle est l'auteure du scénario de Thelma & Louise. Elle joue ici dans des eaux beaucoup plus légères et l'assume parfaitement.

Il demeure qu'elle a été touchée par la situation de femmes qui, jour après jour, font le travail que ses comédiennes ont porté à l'écran: «Je vous donne un exemple. Les chariots sur lesquels elles transportent les billets sont énormes, très lourds... et ils n'ont même pas de poignées! Ils sont si difficiles à déplacer que nous avons dû ajouter des poignées afin de faciliter leur manipulation par les comédiennes, fait la réalisatrice qui participait à des rencontres de presse tenues la semaine dernière à Los Angeles. Mais vous imaginez ce que ça peut-être pour les vraies employées! Un peu de considération humaine, s'il vous plaît!»

Il n'y a pas beaucoup de ça, entre les murs où évoluent ces dames. En tout cas, dans le scénario de Mad Money. C'est ce qui permettra leur réussite. «Elles sont à ce point sous-estimées que leurs supérieurs ne les voient pas, ne peuvent pas imaginer qu'elles puissent concevoir un tel plan. Ainsi, elles piquent des fortunes sous leurs yeux.» Et vlan dans les dents!

«Braquage» sans violence

Petit commentaire éditorial, donc. Avant de passer à la comédie. Parce que Mad Money n'a pas d'autre prétention que divertir: «Un film sans violence où le braquage d'une banque est au coeur de l'action, c'est assez rare, non?» fait remarquer Callie Khouri qui a cherché, pour les besoins de sa cause, trois actrices a priori très différentes les unes des autres, mais qui développeraient une chimie assez crédible pour traverser l'écran.

Son premier choix a été Diane Keaton. «Son nom est en haut de la liste chez les comédiennes de cette catégorie d'âge possédant un génie comique», poursuit la réalisatrice. Et celle qui a été la muse de Woody Allen a sauté sur l'occasion... qui peut faire la larronne. «L'aspect physique de cette comédie est ce qui m'a vraiment plu dans le scénario. Au temps de Woody, j'ai fait de la comédie, mais c'était de la comédie de dialogue. Je n'ai jamais trop touché à la manière plus physique de ce genre. Or, j'aime beaucoup ça.»

Son nom a donc été rapidement associé au projet. Celui de Queen Latifah n'a pas tardé à suivre. Elle, a été attiré par ce personnage qui est prête à bien des sacrifices pour donner une bonne éducation à ses enfants. «C'est ce que ma mère a fait. Quitte à couper ici et là dans ses besoins à elle, à moins bien s'habiller, par exemple, elle a réussi à nous envoyer dans de bonnes écoles», raconte la comédienne qui, du coup, se retrouve dans la peau du personnage le plus «sérieux» du trio. Celle qui a les pieds sur terre, quoi.

Contrairement à la p'tite jeunesse qu'incarne Katie Holmes. La Jackie de Mme Tom Cruise vit des écouteurs sur les oreilles, de la musique dans les hanches, des nuages dans la tête. «Elle est... naturellement créative», résume l'ancienne star de Dawson's Creek. «Je voulais que cette originalité se voit au premier coup d'oeil, que l'intérieur de sa tête ressemble à l'extérieur de sa tête», s'amuse Callie Khouri.

C'est là que Katie Holmes a proposé que sa chevelure, alors fort longue, soit bouclée et indisciplinée. «D'abord, j'ai pensé aux heures sur la chaise de la coiffeuse que ça exigerait. Puis, elle m'a envoyé une photo et ça m'a convaincue», se souvient la réalisatrice qui imaginait aussi la jeune femme dans ce genre de vêtements impossibles, agencés n'importe comment mais qui, sur elle, en jetteraient.

Ainsi est né ce personnage foufou... qui semble déjà à des lustres de Katie Holmes: lorsqu'elle a rencontré la presse, les longues boucles indociles avaient laissé place à une coupe au carré lisse et sage; et l'éclectisme vestimentaire, à une chemise blanche sur pantalon gris. Selon le principe de «l'extérieur à l'image de l'intérieur», voilà qui paraît révélateur.