Avec huit nominations chacun, No Country for Old Men et There Will Be Blood partent clairement favoris. La course risque toutefois d'être très serrée. Et pourrait même nous réserver des surprises...

Alors? No Country for Old Men ou There Will Be Blood? En les sélectionnant chacun dans huit catégories, les membres de l'Académie ont consacré deux films qui, d'une certaine manière, s'inscrivent au coeur de l'américanité. Deux oeuvres fortes, intenses, sanglantes. Deux oeuvres qui font directement écho aux valeurs avec lesquelles la société américaine s'est construite.

Dans ces circonstances, il est bien difficile de déterminer dans quelle direction le vent soufflera. Le western déjanté des frères Coen (une adaptation du roman de Cormac McCarthy), et le drame épique de Paul Thomas Anderson (une adaptation de Oil, le roman d'Upton Sinclair) ont en effet autant de chances l'un que l'autre de rafler la mise, chacun étant sélectionné dans les catégories de pointe.

On ne peut en dire autant des deux films qui suivent dans le peloton de tête. Michael Clayton et Atonement ont beau avoir obtenu chacun sept mises en candidature, le drame judiciaire de Tony Gilroy est quand même en meilleure posture que le drame romanesque britannique réalisé par Joe Wright. Ce dernier n'a en effet pas été retenu dans la catégorie de la meilleure réalisation.

Du coup, les chances de Juno, le petit film sympa que tout le monde adore, paraissent bien réelles. Même si elle n'a recueilli que quatre nominations, la comédie dramatique de Jason Reitman est en effet en lice dans les trois catégories royales (film, réalisation, scénario). Sans oublier Ellen Page, dont l'extraordinaire performance est soulignée par une nomination pour l'Oscar de la meilleure actrice. Ainsi, Juno pourrait bien tenir cette année dans la course le rôle qu'avait si bien campé Little Miss Sunshine l'an dernier.

Peu de politique...

À la lumière de la liste des nominations, annoncée hier à l'aube par le président de l'Académie, Sid Ganis, et l'actrice Kathy Bates, les 5829 membres de l'auguste organisation ne semblent pas avoir été émus outre mesure par les nombreux films à caractère politique qui ont pris l'affiche en 2007. Du lot, seul In the Valley of Elah sauve la mise avec la nomination surprise de Tommy Lee Jones dans la catégorie du meilleur acteur.

Même Charlie Wilson's War, d'une tonalité pourtant plus légère, ne s'est pas fait autant valoir que prévu. Angelina Jolie, dont la prestation dans A Mighty Heart a été soulignée ailleurs, a été ignorée. Chez les actrices, la course se jouera plutôt entre Cate Blanchett, nommée dans la «grande» catégorie pour Elizabeth: The Golden Age (et aussi dans la catégorie rôle de soutien pour I'm Not There), Julie Christie (Away from Her), Marion Cotillard (La vie en rose), Laura Linney (The Savages) et Ellen Page (Juno). Même si le choix est déchirant, Julie Christie part quand même avec une petite longueur d'avance.

Chez les hommes, l'acteur «à battre» sera Daniel Day-Lewis. C'est ce que s'emploieront à faire, outre Tommy Lee Jones, George Clooney (Michael Clayton), Johnny Depp (Sweeney Todd) et Viggo Mortensen (Eastern Promises).

Du côté des films d'animation, les membres de l'Académie ont «réparé» l'impair du comité de sélection de la catégorie des films en langue étrangère en sélectionnant Persepolis dans la catégorie du meilleur film du genre. La lutte sera toutefois difficile puisque Ratatouille fait ici figure de grand favori. À noter que les Simpson n'ont pas été conviés à la fête.

Arcand hors course

Présélectionné parmi les neuf finalistes, L'âge des ténèbres de Denys Arcand n'a par ailleurs finalement pas franchi la dernière étape qui lui aurait permis de concourir pour l'Oscar du meilleur film en langue étrangère. Le comité a plutôt fixé son choix sur Les faussaires de l'Autrichien Stefan Ruzowitsky (à l'affiche à Montréal le 22 février); Katyn du vétéran cinéaste polonais Andrzej Wajda (lauréat d'un Oscar honorifique en 2000); 12 du vétéran cinéaste russe Nikita Mikhalkov (lauréat de l'Oscar en 1995 grâce à Soleil trompeur); Mongol de Sergei Bodrov (ce film kazakh prendra l'affiche à Montréal au cours des prochaines semaines), et Beaufort de Joseph Cedar, un film sur lequel les membres du comité de sélection israélien s'étaient rabattus en désespoir de cause le jour où ils ont appris que La visite de la fanfare n'était pas admissible en vertu des règlements de l'Académie

Soulignons enfin la sélection du Sicko de Michael Moore dans les documentaires, de même que celle de Madame Tutli-Putli dans la catégorie du court métrage d'animation. Avec ce film, le premier que réalisent les Montréalais Chris Lavis et Maciek Szczerbowski, l'Office national du film du Canada peut s'enorgueillir d'avoir recueilli pas moins de 70 nominations aux Oscars.

Plus que dans le résultat des courses, le suspense réside maintenant dans la tenue même de la cérémonie, toujours menacée par la grève des scénaristes. Si tout se déroule normalement, la 80e cérémonie des Oscars se tiendra au Kodak Theatre de Los Angeles le 24 février. Télédiffusée par le réseau ABC (dont le signal est relayé chez nous par CTV), la soirée sera animée par l'humoriste Jon Stewart.