Les deux chevronnés documentaristes qui ont réalisé Junior, Isabelle Lavigne et Stéphane Thibault, avouent qu'ils sont néophytes en sport et encore plus en hockey junior. Pourtant, leur film, qui raconte une année dans la vie du Drakkar de Baie-Comeau, de la LHJMQ, dresse un portait très réaliste de ce monde particulier.

«On n'avait pas de plan particulier, explique Isabelle Lavigne. On a abordé le sujet avec une grande ouverture, comme je le fais toujours. Je donne toujours la chance au sujet d'avoir raison. On ne voulait pas prêcher ou porter de jugement, mais tracer un portrait.»

Un portait très intime, pourrait-on ajouter. Lavigne et Thibault ont eu accès à la vie privée du Drakkar, au vestiaire, au bureau de l'entraîneur Éric Dubois, aux rencontres avec les dirigeants et les agents de joueurs.

Jean-Sébastien Hogg, un ancien du Drakkar que l'on voit dans le film - il est maintenant à l'école des pompiers - accompagnait les deux cinéastes, hier, chez Champs, boulevard Saint-Laurent, à Montréal. «Il y a des journalistes qui ont dit que le film serait mauvais pour l'image de la ligue. Sauf que ce que l'on voit est la réalité. Des jeunes qui doivent prendre des responsabilités d'adulte, qui doivent tout sacrifier pour leur club de hockey On leur vend du rêve, c'est vrai. Seulement 1 % des joueurs vont devenir professionnels.

«Mais le sport demeure une école de vie et je pense avoir grandi en passant par la LHJMQ. On apprend à travailler fort et à être discipliné. Des choses qui vont nous aider dans la vie.»

Lavigne poursuit : «On savait quand même que le hockey, au Québec, est un miroir de la société et on voit bien les préoccupations des jeunes d'aujourd'hui : l'attrait de la célébrité et de l'argent.»

Thibault : «J'ai été surpris de voir que des jeunes de 20 ans, qui prennent leur retraite du hockey, sont démunis face à la vie de tous les jours. Ils n'ont pas appris à se débrouiller dans les choses les plus simples, comme faire son lavage ou sa bouffe. On les a beaucoup choyés. Ils ont vécu quelques années de rêve et de vedettariat dans la ville où ils jouaient.»

On parle ici des 99 % qui se retrouvent devant pas grand-chose, surtout s'ils n'ont pas eu le courage d'étudier pendant les longs calendriers et les longs voyages en autocar.

Plus ça change...

Pour avoir frayé dans ce milieu depuis des dizaines d'années, je conclus que le monde du hockey junior n'a à peu près pas évolué. Ballotté entre l'entraîneur, son agent, ses coéquipiers et la direction du club, le jeune hockeyeur, qui n'est pas majeur dans bien des cas, reçoit des conseils du genre : pense à ta game, fonce au net, laisse-la partir, sois un leader, hostie et tabarnak, on est obligé de le forcer à se battre

Un monde viril, autoritaire, où la délation, la suspicion et l'espionnage sont présents. (Un policier de Baie-Comeau dénonce lui-même à l'entraîneur les joueurs vus dans des bars)

Pour la pédagogie, pour le bonheur futur des jeunes, il faudra repasser.

«Je suis là pour vous aider», répète l'entraîneur à ses joueurs. Pas sûr. Sur le dos de ces jeunes-là, des caïds locaux dirigent des petites entreprises rentables et on se bâtit des réputations de coach et de directeur général.

Mais vous porterez vous-mêmes votre jugement. En regardant Junior, demandez-vous si vous confieriez votre fils au monde de la LHJMQ.

À compter du 25 janvier, Junior prendra l'affiche au cinéma Ex-Centris, à Montréal, au Clap, à Québec, et à La Maison du Cinéma, à Sherbrooke.