En rencontrant Martin Paul-Hus, on s'étonne. Le producteur ne parle pas de «produits», mais de «films», n'évoque même pas la tyrannie des chiffres et les diktats du box-office, mais plutôt des auteurs, qu'il aime servir. «C'est important de prendre la vision d'un auteur et de tout faire pour que la vision se réalise.» Dialogue avec un producteur unique en son genre.

Le parcours du producteur Martin Paul-Hus en dit plus long sur ses goûts que sur son sens des affaires. Il a produit les films de ses amis (Les siamoises et La bête de foire, d'Isabelle Hayeur, La liberté d'une statue, d'Olivier Asselin), comme ceux des auteurs qu'il aime (Nicolas Roeg, Amos Kollek). «C'est un désir de travailler avec des auteurs que je respecte», plaide-t-il.

Dans son bureau avec vue sur Montréal se mêlent heureusement une bibliothèque débordante de livres, un bureau envahi par les dossiers et des canapés colorés rappelant une chaîne de meubles suédoise. Au mur, les affiches encadrées de ses films. C'est le siège d'Amérique-Film. Mais, s'amuse Martin Paul-Hus, le bureau est presque «virtuel», puisque ses partenaires travaillent dans le reste du Canada, aux États-Unis et en Europe.

Sur la planète cinéma québécois, Martin Paul-Hus fait un peu figure d'exception. Il a davantage produit les films de réalisateurs étrangers que ceux de réalisateurs d'ici. Il parle des financements internationaux comme de quelque chose d'«assez ludique»: «C'est un peu la croyance d'un scénario sans frontières», dit-il.

Le monde de Martin Paul-Hus, c'est celui des indépendants internationaux - «Dans le cinéma d'auteur, c'est à peu près 200 personnes». Une partie de ce petit monde avait été secouée au tournant des années 2000 par Sue Lost in Manhattan et Fast Food Fast Women, écrits et réalisés par Amos Kollek, le fils de Teddy Kollek, un célèbre maire de Jérusalem.

«Pour beaucoup de femmes de l'industrie, quand je disais Amos Kollek, ça allumait beaucoup. C'est sa vision qui convainc», croit Martin Paul-Hus, coproducteur du dernier Kollek, Restless. Coproduit avec la France, la Belgique, l'Allemagne et Israël, tourné à moitié en hébreu, un peu à Montréal et New York, beaucoup à Jérusalem, Restless sera présenté en compétition au prochain Festival de Berlin.

On s'en doute, le nécessaire contenu canadien ne se manifestera pas dans le film de Kollek sous forme de feuilles d'érable ou de fleurs de lys. «Il y a un contenu canadien créatif important. La musique, par exemple, est composée par Delphine Measroch, une Montréalaise. Il y a eu des Québécois sur le plateau. Pour moi, c'est assez comme contenu», explique-t-il.

Que l'on ne s'y trompe pas: Martin Paul-Hus est «profondément montréalais». «C'est parce que je suis bien enraciné à Montréal que de partir ailleurs ne m'angoisse pas.» Il adore tourner avec des équipes québécoises, surtout s'il y a aussi des équipes moscovites et ukrainiennes, comme pour le film Eisenstein. «On a tourné dans l'escalier d'Odessa, sur les toits de l'Ermitage C'était assez génial», dit-il.

C'est aussi avec un Québécois que Martin Paul-Hus travaille à l'un de ses nouveaux projets, l'adaptation au grand écran de Mal élevé, le roman de Stéphane Dompierre. «On veut s'inspirer de la nouvelle vague, mais aussi de Once (film musical de John Carney), explique-t-il. On veut s'éloigner du truc plus léché et situer le tout dans un milieu réaliste.»

Martin Paul-Hus, qui a mis la main sur les droits d'adaptation du Prix Nobel de littérature 2007, The Fifth Child de la Britannique Doris Lessing, évoque ses projets avec enthousiasme et, apparemment, sans trop de réserves. Pas rancunier, il nous invite même à discuter d'un film descendu dans les pages de La Presse, Puffball, de Nicolas Roeg. On lui demande si lui a aimé le film. «C'est comme me demander si j'aime mon enfant», répond malicieusement ce producteur d'une convivialité surprenante.