Salle numéro sept du Cinémax, principal multiplex de Potsdamer Platz, épicentre de la 58e Berlinale. À minuit et 35 minutes, samedi soir, la projection de Tout est parfait vient tout juste de se terminer, et la salle est encore pleine à craquer. Applaudissements nourris et chaleureux au générique de fin, mais sans débordements: c'est peut-être la fatigue, ou alors il s'agit d'une réaction habituelle au festival du film de Berlin.

À quelques exceptions près, tous les spectateurs restent dans la salle lorsqu'une responsable de Panorama, la section parallèle de la Berlinale, invite l'équipe du film à monter sur scène pour échanger avec le public. Il y a la productrice Nicole Robert, le réalisateur Yves-Christian Fournier, le scénariste Guillaume Vigneault, la directrice de la (très belle) photo, Sara Mischara. Et la jeune vedette du film, Maxime Dumontier, 19 ans tout ronds ces jours-ci.

L'organisation est un peu artisanale. Tout le monde reste debout. Un seul micro qu'on se passe. Une interprète qui fait ce qu'elle peut pour ceux qui ne parlent pas anglais. En fait, elle n'aura pas vraiment de travail. Comme les autres, Fournier se débrouille très bien, parle de la «lumière» qui éclabousse en permanence cette histoire sombre. Dans cet exercice assez convenu, qui consiste principalement à établir un lien de sympathie avec le public, chacun y va de son compliment : sur la multiplicité des lieux de tournage pour arriver à ce paysage moitié industriel, moitié banlieue populaire, sur le sujet délicat du suicide des jeunes ou sur la manière de construire le scénario.

À quelques reprises, on tente de diriger les questions sur Maxime Dumontier, dont on sait qu'il a horreur des interviews. On lui met le micro dans les mains: «Pourquoi tout le monde rit quand j'ai un micro?» Le comédien se balance sur ses pieds. On finit par lui reprendre le micro. Nicole Robert tente de le relancer: est-ce que ça lui plairait de raconter comment il a préparé son rôle? Il secoue la tête: non, ça ne lui plairait pas du tout. On arrête le supplice.

Il est un peu plus de 1 h du matin. Tout le monde se retrouve dans une fête organisée par Panorama. Nicole Robert en ressort à 4 h. Les autres continuent de célébrer dans les profondeurs de l'ancien Berlin-Est, dans un bar baptisé CCCP (URSS en cyrillique). Ils en ressortent à 6 h 30, juste à temps pour attaquer des oeufs brouillés et du bacon allemand à l'hôtel. Avant de s'écrouler dans leur lit: «Plus jamais je ne jouerai à qui boit le plus vite avec un gars de 19 ans», philosophe douloureusement Guillaume Vigneault le lendemain en début d'après-midi. Et il y a encore un dîner prévu en soirée. «À 20 h? Je crois que ça ira», dit-il.

Relations publiques minimales

L'équipée de Tout est parfait à Berlin tient de la virée noctambule et du blitz. Pour cause de Tout le monde en parle, Guillaume Vigneault n'est arrivé que le samedi matin, prêt à affronter la projection officielle avec un gros décalage horaire. Comme les autres, il reprenait l'avion pour Montréal ce matin, en vue de la sortie du film au Québec.

Dans ces conditions, pas vraiment question de faire des relations publiques à Berlin. Aucune rencontre n'était prévue avec des médias allemands ou étrangers. Il est également possible que tout le monde soit reparti avant que paraissent les critiques dans la presse professionnelle qui publie des éditions quotidiennes: Variety, Hollywood Reporter, etc., ou dans les médias allemands. Comme le film de Fournier se trouve dans une section parallèle qui aligne une cinquantaine de longs métrages (contre 17 en compétition), les films ne sont pas tous recensés. Et pas automatiquement le lendemain de la projection.

Mais l'important c'est de se trouver à Berlin. Et dans les meilleures conditions possible: «Comme nous étions pris dès mardi par la sortie québécoise du film, explique Nicole Robert, Panorama a accepté de nous donner le créneau du samedi, le meilleur de la semaine. Il faut dire qu'ils ont voulu à tout prix le film dès qu'ils ont vu une copie de travail inachevée, en août dernier. Bien sûr, on aurait préféré être dans la compétition officielle, comme il en a été longtemps question. Mais bon, c'est déjà formidable d'être à Berlin, qui reste le festival le plus prestigieux après Cannes.»

Avec, toujours, l'espoir de décrocher, d'abord des critiques enthousiastes, puis, si Dieu le veut, l'un des trois prix Panorama: celui du jury, celui de la presse internationale et celui du public (environ 20 000 spectateurs qui votent sur 10 jours).

«Vendre un film d'auteur à l'étranger ces jours-ci, c'est un processus long et difficile, explique Annick Poirier, responsable des ventes internationales chez Séville, qui détient les droits étrangers. Les acheteurs doivent non seulement aimer le film, puis tâter le terrain, mais aussi trouver l'angle qui permettra de le «vendre» aux médias et au public dans leur pays. Dans ce contexte, le label «festival de Berlin» est un atout précieux.»