Personne n'aurait osé imaginer un scénario pareil: Tout est parfait déjà vendu en France, au Benelux et en Suisse, trois jours à peine après sa projection samedi au festival de Berlin. Et deux jours avant sa sortie au Québec.

Un vrai conte de fées pour la productrice Nicole Robert, qui était déjà rentrée à Montréal. Et pour Annick Poirier, la responsable des ventes à l'international chez Séville: «Jamais je n'ai vu une vente importante aussi rapide, dit-elle. Surtout pour un film d'auteur non français, sans vedettes, qui constitue toujours un pari. La plupart du temps, les acheteurs manifestent leur intérêt, et puis ils y réfléchissent. On se revoit à Cannes, puis à Toronto...»

Avec le film d'Yves-Christian Fournier, tout est allé à la vitesse de l'éclair. Le lendemain de son arrivée à Berlin, Nicole Robert tombe sur un producteur UGC ami, qui lui dit: «Mes acheteurs ont vu Tout est parfait à une projection du marché vendredi. Ils sont emballés.» Cela veut-il dire qu'ils vont acheter? Méfiance: ce sont peut-être des paroles en l'air. Lundi soir, le réalisateur, pas encore reparti de Berlin, semblait n'être au courant de rien.

Entre-temps, Annick Poirier reçoit la visite des deux acheteurs UGC, lundi en fin d'après-midi. Cette fois, c'est clair, ils veulent prendre le film pour le marché français. Mais il leur faut le feu vert de Paris. Peut-être faudra-t-il envoyer la cassette à Paris et attendre la réponse? Finalement leur enthousiasme suffit à convaincre la maison mère, et ils reviennent hier matin à 10 h 30 pour signer le contrat de distribution en bonne et due forme.

La date de sortie n'est pas fixée, mais, en tout état de cause, sera postérieure au mois d'avril. Avec un sujet aussi dramatique, peut-on sortir avant l'automne? Cela paraît improbable. En revanche le format est arrêté: Tout est parfait sera distribué dans une quarantaine de salles, une combinaison impressionnante pour un film d'auteur. Cela représente en gros une demi-douzaine de salles dans Paris et une présence dans toutes les grandes villes française, notamment universitaires. Le public de villes comme Genève et Bruxelles pourra aussi sans doute voir le film.

La même aventure était arrivée à Congorama, le film de Philippe Falardeau présenté à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes en mai 2006. Le contrat de distribution avait aussi été signé dans les trois jours, pour une sortie dans une cinquantaine de salles UGC. C'était en soi un événement exceptionnel, car les tractations sont généralement beaucoup plus longues, comme dans le cas de La grande séduction ou de C.R.A.Z.Y. Mais Congorama avait un contenu partiellement européen (belge) et affichait au générique le comédien Olivier Gourmet, connu des cinéphiles.

Avec le film de Fournier, c'est le saut dans l'inconnu: «La force et l'audace du sujet y sont pour beaucoup dans l'engouement d'UGC, dit Nicole Robert. C'est un sujet qui nous parle. Les acheteurs ont eu un vrai coup de coeur et se sont décidés instantanément. Et pas n'importe quels acheteurs. Avec UGC, on est assurés d'avoir une vraie sortie avec de gros moyens.»

Sans doute une simple coïncidence. C'est également hier matin que paraissait la critique attendue de Variety, dans son numéro quotidien de la Berlinale. Un commentaire plutôt flatteur, qui évoque l'influence de Gus Van Sant, parle d'un «drame morose mais impressionnant», du «portrait convaincant d'une jeunesse rebelle», mais trouve le film «trop long».

Tout est parfait ouvrira demain soir les 26es Rendez-vous du cinéma québécois et sortira en salle au Québec vendredi.