Sacré meilleur film de l'année La Graine et le Mulet, une chronique familiale humaniste signée par Abdellatif Kechiche, a surpris vendredi en obtenant aussi le prix du meilleur réalisateur, au nez et à la barbe de La Môme (La vie en rose au Québec) et d'Un secret, favoris de la 33e édition des Césars.
  
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Déjà lauréat du prix Louis-Delluc 2007 et du Prix du jury au dernier Festival de Venise, ce troisième film du franco-tunisien Abdellatif Kechiche, 47 ans, a en outre reçu les Césars du meilleur scénario original et du meilleur espoir féminin, décerné à Hafsia Herzi, 21 ans.
  
«Je voudrais remercier celui qui a été ma source d'inspiration, qui m'a donné beaucoup d'énergie, c'est un petit ouvrier du bâtiment, c'est mon père», a-t-il lancé Kechiche, très ému derrière ses lunettes à fines montures.
  
«Je veux remercier mon deuxième père», a-t-il poursuivi en se tournant vers son producteur Claude Berri venu sur scène à ses côtés, avant de saluer sa «grande source d'inspiration», le cinéaste Maurice Pialat.
  
En 2005, ce comédien passé derrière la caméra avait déjà raflé les quatre mêmes Césars avec L'Esquive, son deuxième film, l'histoire de jeunes étudiants de banlieue répétant une pièce de Marivaux.
  
Vu par 700 000 spectateurs en France, La Graine et le mulet raconte à la façon d'une palpitante épopée l'ouverture, par un ouvrier licencié des chantiers navals, d'un restaurant de couscous de poisson sur un vieux rafiot.
  
Signé par un auteur exigeant comme l'élégant Lady Chatterley de Pascale Ferran, César du meilleur film l'an dernier, il a triomphé devant deux géants du box-office, nommés chacun onze fois: La Môme d'Olivier Dahan (5 millions de spectateurs) et Un secret de Claude Miller.
  
Sans surprise, La Môme a remporté le César de la meilleure actrice, décerné à Marion Cotillard, qui à 32 ans pourrait être, dimanche, la deuxième comédienne Française à remporter l'Oscar, 48 ans après Simone Signoret.
  
«Tu as changé ma vie, ma vie d'actrice, ma vie tout court, tu as écrit le plus beau rôle du monde et tu m'as demandé d'être toute une vie... et pour ça, forcément ça te revient», a lancé Cotillard, très émue dans sa robe pêche à Dahan, absent vendredi soir.
  
La mélodramatique biographie filmée d'Édith Piaf a obtenu quatre Césars techniques (photo, costumes, décors et son).
  
Dure déception pour Claude Miller qui signait là un film très personnel, Le secret, 11 fois nommé - 1,7 million de spectateurs en France -, a dû se contenter du César du meilleur second rôle féminin, attribué à Julie Depardieu.
  
Absent pour cause de tournage du dernier James Bond où il incarne le méchant, Mathieu Amalric, 42 ans, a remporté son deuxième César du meilleur acteur grâce à son rôle d'homme paralysé dans Le Scaphandre et le Papillon de Julian Schnabel - aussi récompensé pour son montage.
  
L'actrice Jeanne Moreau, qui à 80 ans a reçu un «super César d'honneur» pour une carrière de 60 ans, riche de plus de 100 films, a profité de la scène du Châtelet pour dire son inquiétude à l'égard «de mesures gouvernementales qui risquent d'affaiblir» le cinéma français.
  
Elle a pointé la baisse des subventions publiques redoutée par les cinémas indépendants, contre laquelle quelque 200 salles art et essai ont protesté vendredi soir en baissant le rideau.
  
Jeanne Moreau a aussi dénoncé les «attaques» de «groupes puissants qui reprochent une concurrence déloyale» à des petites salles, faisant référence à plusieurs actions juridiques intentées par UGC - parfois rejoint par MK2.
  
Enfin l'acteur-réalisateur italien Roberto Benigni a reçu également un César d'honneur.