La musique de film est généralement perçue comme alimentaire. Même à la noble cérémonie des Oscars, les jurys tendent à juger les bandes sonores non pas selon la qualité des partitions mais selon les mérites des films qu'elles accompagnent. Ainsi a-t-on vu, deux années successives, le médiocre compositeur latin Gustavo Santaolalla recevoir des trophées, un pour Brokeback Mountain et l'autre, plus discutable encore, pour Babel (Gustavo n'a composé pour ce dernier qu'une quinzaine de minutes de musique originale). 

Les Oscars célèbrent cette année, et c'est à leur honneur, des compositeurs plus ou moins jeunes et nouveaux sur la scène de la musique de film; des gens de grand talent qui, d'ici quelques années, seront à n'en point douter les John Williams, John Barry, Ennio Morricone et Jerry Goldsmith du XXIe siècle.

En lice pour le thriller bureaucratique Michael Clayton, James Newton Howard n'est pas précisément un nouveau venu. On doit, entre 1000 choses, à ce compositeur flexible et productif les bandes sonores des films ésotériques de M. Night Shyamalan (The Sixth Sense, Lady in the Water). Étrange qu'il soit mis en nomination pour une partition de remplissage alors qu'il a proposé cette année, avec sa musique pour Water Horse, un véritable conte musical aux accents irlandais. Dario Marianelli (pour Atonement) et Michael Giacchino (pour Ratatouille) sont deux figures montantes dans le petit monde de la musique de film. Le premier est un lyrique, le second un iconoclaste. Ce que Marianelli a accompli pour Atonement lui méritera probablement la statuette.

Alberto Iglesias (pour The Kite Runner) n'est pas non plus un jeune premier, lui qui collabore régulièrement avec le cinéaste Pedro Almodovar. Mais sa présence, tout à fait méritée, aux Oscars fait plaisir à voir, même si l'exotique The Kite Runner donne un peu dans le world beat générique. Enfin, Marco Beltrami, parfois artisan, souvent ouvrier (généralement confiné aux musiques de films d'horreur), offre une relecture fascinante, excentrique des trames sonores insolites d'Ennio Morricone avec 3:10 to Yuma. Personnellement, on aimerait bien voir Beltrami grimper sur la scène et empoigner le trophée.

Il y a des oubliés, des laissés-pour- compte, forcément. Comment se fait-il que le vieux David Shire, de retour, ne soit pas célébré? Ce qu'il a composé pour le thriller Zodiac relève du grand art. Autre absent: Jonny Greenwood, guitariste du groupe Radiohead qui a offert avec There Will Be Blood une bande sonore audacieuse, hors norme, pas toujours agréable mais extrêmement prenante. Et qu'a fait le jury d'Alexandre Desplats (The Golden Compass), le compositeur chéri de la petite communauté des amateurs de musique de film? Ajoutons, pour finir, l'exceptionnel travail de Philippe Rombi pour le film Angel de François Ozon. On ne peut pas tout avoir. Mais cette année, pour une rare fois, le jury devra choisir parmi des compositeurs exceptionnels et peu connus du grand public. Cela va nous changer un peu de John Williams et d'Alan Menken.

NOMINATIONS

>LA MEILLEURE BANDE SONORE ORIGINALE EN LICE

Atonement de Dario Marianelli

The Kite Runner d'Alberto Iglesias

Michael Clayton de James Newton Howard

Ratatouille de Michael Giacchino

3:10 to Yuma de Marco Beltrami

> LES OUBLIÉS

Zodiac de David Shire

There Will Be Blood de Jonny Greenwood

The Golden Compass d'Alexandre Desplats

Water Horse de James Newton Howard

Angel de Philippe Rombi