Certains y voient de la censure, d'autres croient qu'il s'agit d'un code nécessaire à l'industrie de la télévision: la proposition du gouvernement d'annuler les crédits d'impôts aux films ou programmes de télévision jugés «offensants» suscite la controverse dans le milieu culturel au pays.

L'organisme représentant les acteurs canadiens croit que cette mesure comporte de graves implications pour les artistes et qu'elle est inappropriée dans la société canadienne moderne.

Stephen Waddell, directeur exécutif de l'ACTRA, estime que la communauté artistique se demande qui exactement jugera ce qui est offensant et ce qui ne l'est pas.

«Qu'est-ce qui est offensant? Qu'est-ce que ça veut dire? Qu'est ce qui n'est pas dans l'intérêt du public? Qui décide de cela?», se questionne-t-il.

L'amendement au projet de loi C-10 permettra au ministère du Patrimoine d'annuler les crédits d'impôts aux projets qui franchiraient la ligne de la moralité. Cette annulation pourrait intervenir même si d'autres agences gouvernementales étaient impliquées dans la production.

Le projet de loi a reçu l'appui de tous les partis et est actuellement devant le sénat.

Pour sa part, le ministère du Patrimoine réfute que cette nouvelle mesure soit destinée à bannir ou à restreindre le travail culturel.

Les critères pour les films qualifiés d'offensants vont de la pornographie infantile, à la violence gratuite et au dénigrement de groupes précis.

«Ce n'est pas dans notre intention de prendre une approche dramatiquement différente du passé. Nous ne croyons pas que cela s'appliquera à beaucoup de productions... je crois que ce sera du cas par cas», estime Annette Gibbons, porte-parole du ministère.

Certains pensent par ailleurs que cette mesure n'est pas une mauvaise idée.

«Plusieurs choses diffusées à la télévision, je crois, dépassent les bornes», avance Mary Darling, productrice exécutive de la série Little Mosque on the Prairie.

«Si un document nous aide au moins à discerner ce qui est acceptable et ce qui ne l'est pas, alors, en tant que productrice, je suis d'accord pour y jeter un oeil et l'explorer.

Steve Hoban est de l'avis contraire. Le producteur de Copperheart Entertainment affirme que l'ancien système fonctionnait à merveille.

Selon lui, s'il avait dû produire dans ces nouvelles conditions son dernier film, Slice, mettant en vedette Sarah Polley et Adrian Brody, il n'aurait pas reçu de crédit d'impôt puisqu'il contient des scènes au contenu sexuel explicite.

S'il ne va pas jusqu'à qualifier cette mesure de censure, il pense néanmoins que cela contribuera à éloigner la production cinématographique du Canada.