En Chine, le Yangzi est un fleuve qui n'a rien de tranquille. Objet de toutes les convoitises, le mythique fleuve est le plus grand barrage hydro-électrique au monde. À côté du projet gigantesque, les jeunes Chinois tentent de s'adapter. C'est le côté humain que le réalisateur montréalais Yung Chang montre dans le documentaire Sur le Yangzi.

«Le Yangzi a toujours été considéré comme la ligne de vie, en Chine. C'est une ligne historique, et mythique. Depuis Yat-sen (leader révolutionnaire du début du XXe siècle, ndlr) et Mao Zadong, tout le monde a toujours voulu le contrôler, et contrôler l'énergie. Maintenant, le barrage des Trois Gorges est là, et quatre millions de personnes doivent être relogées», explique le réalisateur.

Parmi eux, la famille de Yu Shui, une adolescente de 16 ans, vivant à la croisée des mondes. Elle vit avec ses parents, de très modestes paysans, au bord du fleuve, dans une cabane bientôt engloutie par les eaux. Yu Shui rêve d'étudier, mais ses parents, expropriés, ont cruellement besoin de revenus: Yu Shui tourne le dos à ses ambitions pour sa famille.

Chen Bo Yu vit aussi au bord du fleuve, dans un monde infiniment plus proche de l'Occident que de la Chine anachronique de Yu Shui. Chen Bo Yu rêve de l'Ouest, de paillettes et d'argent facile. «Chen Bo Yu est un exemple typique de ceux qui sont les prochains dirigeants de la Chine», dit Yung Chang.

Ces deux mondes se rencontrent sur une croisière de luxe qui, chargée de touristes occidentaux en mal d'exotisme, sillonne le fleuve. Yu Shui et Chen Bo Yu font partie des dizaines d'employés chinois de la compagnie. «La croisière capture une métaphore de la Chine: les Occidentaux disent au revoir au passé, tandis que les employés tentent de rejoindre le nouveau monde», affirme le réalisateur.

C'est à l'invitation de ses parents et grands-parents que Yung Chang participe, en touriste, à cette croisière sur le Yangzi, en 2002. «Je savais que ce serait ironique. J'ai donc amené une caméra», se souvient-il. Le réalisateur entame des recherches et se rend rapidement compte de la richesse du fleuve. «Il y a plus que le bateau, il y a plus d'histoires à dire, il y a une émotion humaine.»

Très vite, le jeune homme se fait adopter par la compagnie de croisière (?) qui le laisse filmer leurs employés et les suivre dans leurs recrutements dans les écoles des villes du long du fleuve. C'est ainsi qu'il fait la connaissance de Yu Shui et de Chen Bo Yu, «deux personnes presque fictionnelles», reconnaît le réalisateur, qui tourne pendant huit mois, en 2006.

Épris de cinéma vérité, Yung Chang parvient à faire oublier la caméra aux jeunes et aussi à la famille de Yu Shui. La confrontation entre la jeune fille et ses parents à propos de son départ sur le bateau donne l'une des scènes les plus fortes du film. «Elle m'a amené dans sa famille. Ils ne comprenaient pas vraiment quel était le concept du documentaire, mais j'ai vraiment été accepté parmi eux», explique le réalisateur.

Portée par une esthétique irréprochable, les histoires de Yu Shui, de Chen Bo Yu mais aussi des touristes du bateau montrent un visage humain des métamorphoses de la Chine.

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Sur le Yangzi est présentement à l'affiche en version française au Quartier latin.