Dix ans après avoir signé une série sur l'univers de la mode (Diva), Michelle Allen met le pied dans un ring. C'est une femme déterminée, comme un boxeur aspirant au titre de champion du monde, qui a accouché du scénario testostéroné de La ligne brisée.

Michelle Allen semble ne pas avoir une once de gras sur le corps. L'auteure s'entraîne depuis des années. Régulièrement. Mais, un jour, son entraînement a gagné en puissance. Grâce à Éric Lucas. C'était en 2001, juste avant le combat du boxeur contre Omar Sheika, au Centre Bell. L'amoureux de Michelle Allen ne tarissait pas d'éloges pour Lucas. «Sincèrement, je ne comprenais pas ce qu'il lui trouvait, raconte Allen. Puis, il m'a raconté son parcours.»

La révélation! L'auteure ne connaissait strictement rien à la boxe, puis une grande porte s'est soudainement ouverte. «On a longtemps dit aux gars d'arrêter d'être machos, raconte Allen. Le côté cru de la boxe est très transgressif. C'est l'expression d'une virilité, car les boxeurs ne sont pas obligés de prendre 42 détours pour exprimer ça.

«Ce sont des athlètes grands et solitaires, poursuit Allen. Ils peuvent passer des heures à s'entraîner devant un miroir. C'est très exigeant. La détermination doit être réelle. Pour trois minutes de combat, ce que ça demande en tonus musculaire! Il y a tout le rêve entourant ce sport, aussi, qui m'attire. Tous les boxeurs que j'ai rencontrés m'ont dit: je veux être champion du monde, alors que très peu y arrivent. C'est tragique.»

Deux projets de fiction ont subitement émergé, à l'époque, dans la tête de Michelle Allen: la télésérie Le 7e round, diffusée à Radio-Canada, en 2006, et le film La ligne brisée, en salle vendredi. «J'ai écrit ces deux histoires en même temps, dit Allen. Au départ, mon chum m'a dit: tu ne connais rien à la boxe, tu ne seras pas capable! C'était spontané et ce fut stimulant. J'ai vraiment plongé dans cet univers.»

Au fil des paragraphes et dialogues rédigés, l'intérêt pour la boxe n'a fait que grandir. «Je suis allée voir Lucas en Allemagne et Gatti à Atlantic City, notamment. Je me suis aussi entraînée dans un gym de l'est de la ville. C'est une clé pour découvrir des choses. J'ai rencontré des gens hyper disponibles. Tout le monde répondait à mes questions. Les boxeurs, leurs femmes, leurs entraîneurs. Ce fut aussi trois mois d'entraînement très exigeants. Je revenais à la maison épuisée. J'avais mal partout. Je voulais savoir ce que c'était de frapper et recevoir des coups.»

Univers marginalisé

Dans La ligne brisée, deux amis boxeurs (incarnés par David Boutin et Guillaume Lemay-Thivierge) s'affrontent sur le ring et dans la vie. C'est qu'un incident terrible a mis en péril leur amitié et leurs rêves de devenir champions du monde. Ils devront tôt ou tard apprendre à vivre avec les conséquences de leurs actes.

On est loin de l'univers de Diva, créé par Michelle Allen, il y a quelques années à la télé, où le terme «coup bas» doit plutôt être pris au sens figuré. L'auteure trace toutefois un parallèle entre les milieux dans lesquels évoluent les mannequins et les boxeurs. «La quintessence de la féminité, c'est d'être mannequin, explique-t-elle. Et la quintessence de la virilité, c'est d'être boxeur. Dans les deux cas, j'ai pris un univers marginalisé, sans importance à première vue, et j'ai redonné aux gens qui y évoluent une dignité et une intériorité. Les mannequins et les boxeurs ont de vrais rêves et un parcours non négligeable. Ce ne sont pas tous des têtes de linottes.»

Étonnamment, avant de raconter des histoires de podium et de ring, Michelle Allen s'est d'abord imaginée médecin. Cette Montréalaise qui a grandi à Ahuntsic a toutefois mis abruptement un terme à ses études universitaires et mis le cap sur le Conservatoire d'art dramatique. «J'avais commencé à jouer à l'époque, raconte-t-elle. J'avais alors découvert la création, l'art. J'avais même formé une troupe de théâtre et écrit pour elle. Ce fut une révélation.»

Une première, bien avant celle qui lui a fait défricher l'univers de la boxe. Aujourd'hui, Michelle Allen peut affirmer être une plus grande fan de boxe que son chum. «C'est moi qui l'emmène voir des combats désormais!»