Les professionnels avaient parié sur un gros succès, c'est-à-dire entre 3 et 5 millions d'entrées. Cela semblait déjà inespéré pour une comédie réussie mais sans prétention, réalisée par une vedette populaire de la télévision, Dany Boon, avec un budget raisonnable de 11 millions d'euros (contre 78 pour le dernier Astérix).

À peine sorti en salle, ce n'est plus un succès ni un triomphe, mais un phénomène de société. Bienvenue chez les Ch'tis (surnom des gens du Nord) vient de battre le record absolu de fréquentation pour une première semaine d'exploitation. Projeté dans 793 salles, un peu moins que les plus grosses machines commerciales, le film frôlait les 4,5 millions d'entrées après sept jours.

Du jamais vu: le précédent record était détenu par Les Bronzés 3, en février 2006, qui avaient cartonné à 3,9 millions en première semaine. À cela il faut ajouter que, pour des raisons sentimentales ou commerciales (ou les deux), le film avait été distribué une semaine plus tôt dans la région du Nord-Pas-de-Calais: 555 000 spectateurs dans la semaine. Pour un total qui dépasse déjà les 5 millions d'entrées.

Vu le taux de «satisfaction» enregistré par les maisons de sondage, on pense que le film de Dany Boon fera au moins 10 millions, et peut-être 15 millions de spectateurs. Le record dans l'histoire du cinéma français étant détenu par Titanic (20 millions), suivi de La Grande vadrouille avec Bourvil et de Funès (17 millions). En tout cas, mardi après-midi, à la séance de 15 h 30, la salle de 600 places était pratiquement pleine dans un cinéma anonyme proche de la gare de Lyon. Des spectateurs qui riaient pendant le film et en ressortaient la larme à l'oeil.

Loin de toute recherche formelle ou d'écriture, Bienvenue chez les Ch'tis est d'abord une très bonne histoire, inégale mais parfois délirante et interprétée par des comédiens tout à fait réjouissants. Comme l'écrit Le Monde, c'est «un étonnant retour au comique régionaliste, une sympathique comédie, dont la désuétude nous réconcilie avec le facteur humain». Et dans son numéro qui paraît aujourd'hui, L'Express consacre son éditorial à «cette comédie populaire bien troussée qui devient un phénomène de société et fait vibrer la corde nationale».

Un peu comme si la France - qui ne va pas bien sur le plan économique et social - avait soudain le goût de s'attendrir sur de vieux particularismes longtemps jugés avec mépris.

Les Ch'tis, ce sont les habitants du Nord. Ainsi surnommés parce que dans leur patois, ils truffent les mots de «ch», disent «Vin Dious, biloute que ch'té bien!» et prononcent des phrases vraiment incompréhensibles. Le Nord, c'est également une région déshéritée où il pleut beaucoup, où les villes ont été détruites pendant la Guerre. À l'époque où il y avait du travail, c'était dans les mines de charbon. Et depuis que les mines ont fermé, il y a surtout du chômage.

Dans un scénario qui rappelle souvent celui de La grande séduction, un cadre de la Poste, vivant en Méditerranée, est l'objet d'une mutation disciplinaire à Bergues, petit bled de 3500 habitants au nord de Lille. Pour lui c'est le cauchemar. Au fil des semaines et de péripéties parfois hilarantes, il s'éprend de Bergues, du «Ch'Nord» et de ses habitants conviviaux et débonnaires. Une histoire toute simple, souvent drôle, parfois originale, et finalement sentimentale et qui, selon L'Express, «est en train d'unir la France dans une bonne humeur qui l'a fuie depuis longtemps».