Le chef libéral Stéphane Dion invite les gens du milieu de la culture à venir témoigner devant le comité sénatorial qui étudiera le projet de loi permettant notamment d'annuler des crédits d'impôt pour les films ou émissions jugés offensants.

Jusqu'ici, plusieurs intervenants du milieu de la culture, ainsi que les partis d'opposition à Ottawa, ont crié à la censure, puisque des crédits d'impôt pourront être annulés lorsqu'un film ou une émission sera jugé offensant.

Ces dispositions sont contenues dans un projet de loi omnibus de 600 pages, apportant diverses modifications à la Loi de l'impôt sur le revenu.

Le chef de l'Opposition officielle à la Chambre des communes rencontrait justement des représentants de l'industrie du cinéma et de la télévision, vendredi à Montréal, et c'est à cette occasion qu'il a lancé son invitation en masse, non seulement au milieu du cinéma, mais plus largement à celui de la culture.

«Nous ne pouvons pas donner à un homme avec l'idéologie de Stephen Harper le pouvoir de censurer les arts», a critiqué le chef libéral, qui a répondu aux questions des médias après avoir rencontré privément les acteurs du milieu culturel.

Il dit voir deux dangers dans ce projet de loi: le risque de censure et la difficulté de trouver du financement pour ces productions. C'est un «danger du retour à une forme de duplessisme à la Reform Party», reproche-t-il d'abord.

Ensuite, «il est évident que les banques et le financement étrangers seront réticents à donner du financement, si le ministre de Patrimoine Canada obtient le pouvoir exorbitant et arbitraire de révoquer un crédit d'impôt rétroactivement», et ce, pour des raisons de morale, a souligné M. Dion.

À Patrimoine Canada, on n'a pas tardé à réagir, jugeant exagérés les reproches de M. Dion.

Le cabinet de la ministre Josée Verner a fait savoir qu'il s'assurerait qu'il n'y ait pas d'effet négatif sur le financement des productions. «Notre gouvernement s'engage à la liberté d'expression et nous continuerons à appuyer la création de contenu canadien vibrant et divertissant», a fait savoir son cabinet.

Patrimoine Canada rappelle également que les producteurs demeurent libres de faire l'émission ou le film de leur choix. «Le projet de loi C-10 n'a rien à voir avec la censure, mais a plutôt tout à voir avec la manière dont l'argent des contribuables est dépensé», a-t-on ajouté.

Quant à M. Dion, il estime qu'il n'est pas trop tard pour faire reculer le gouvernement conservateur, puisque le projet doit maintenant être étudié par un comité du Sénat. Heureusement, dit-il, «on a une deuxième chambre, le Sénat, qui permet de se rendre compte que parfois, les gouvernements essaient d'en passer des p'tites vites au Parlement».

M. Dion a justifié le fait que les partis d'opposition n'aient pas vu passer les dispositions de ce projet de loi en première lecture en faisant valoir qu'elles étaient «enfouies» dans un projet de loi de 600 pages traitant de clauses fiscales. Le projet s'intitule d'ailleurs «Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu, notamment en ce qui concerne les entités de placement étrangères et les fiducies non résidentes, ainsi que l'expression bijuridique de certaines dispositions de cette loi et des lois connexes».

Aux yeux du chef de l'opposition à Ottawa, «c'est une façon de faire qui manque de transparence et de respect pour les institutions parlementaires canadiennes».