Critiquée de toutes parts, la ministre du Patrimoine canadien, Josée Verner, a présenté mercredi un compromis au sujet du controversé projet de loi prévoyant que les productions cinématographiques «contraires à l'ordre public» puissent être privées de crédits d'impôt.

Comparaissant devant un comité sénatorial, la ministre a proposé que l'application de la mesure soit suspendue pendant un an, le temps que les représentants de l'industrie du cinéma aient l'occasion de suggérer des balises à ce qui constitue l'«ordre public».

«Nous croyons que l'industrie a la maturité nécessaire pour jouer un rôle de premier plan dans l'élaboration de lignes directrices qui s'appliqueront à ces activités», a déclaré Mme Verner. Elle a pressé les sénateurs d'adopter rapidement le projet de loi en notant qu'il contenait certaines mesures de «transparence» réclamées depuis longtemps par les producteurs de films.

Josée Verner a admis que jusqu'ici, le milieu culturel était «encore hésitant» face à sa proposition.

La ministre a soutenu que le principe du respect de l'«ordre public» n'était pas nouveau, puisqu'il figurait dans les lois régissant les crédits d'impôt provinciaux destinés à l'industrie cinématographique en Colombie-Britannique, au Manitoba, en Nouvelle-Écosse et au Nouveau-Brunswick, entre autres.

De plus, la notion de respect de l'«ordre public» est apparue dès 2003 dans un avant-projet de loi fédéral présenté par le gouvernement libéral de Jean Chrétien, a fait remarquer Mme Verner.

«Le projet de loi C-10 n'est aucunement une question de censure, a martelé la ministre. C'est une question de responsabilité, d'intégrité et d'efficacité.»

Parmi les éléments qui pourraient aller à l'encontre de l'«ordre public», Josée Verner a évoqué des actes criminels comme la propagande haineuse et la pornographie juvénile, mais aussi des activités tolérées par la loi comme la représentation de «violence excessive» ou de gestes indécents.

«Est-ce qu'il faut tout appuyer financièrement? Il me semble que non», a lancé Mme Verner.

Déjà couvert

Un sous-ministre adjoint du Patrimoine, Jean-Pierre Blais, a toutefois reconnu que des règlements permettaient déjà au gouvernement de refuser l'octroi de crédits d'impôt à des productions mettant à l'écran des actes de pornographie juvénile ou faisant de la propagande haineuse.

En 2007, Ottawa a refusé des crédits d'impôt à deux productions qui mettaient en scène de la pornographie juvénile, a précisé M. Blais.

Les sénateurs libéraux se sont montrés très sceptiques face aux dispositions proposées, qui sont englouties dans un projet de loi fiscal de près de 600 pages.

Le sénateur québécois Paul Massicotte a estimé que le gouvernement s'engageait sur un «terrain très glissant» en recourant au principe de l'«ordre public».

D'autres ont déploré que les règles proposées ne visent que les productions canadiennes, et non les films américains tournés au Canada avec le concours de crédits d'impôt fédéraux.

Le sous-ministre Blais a expliqué que les deux types de crédits d'impôt - pour les productions canadiennes et américaines - suivaient des logiques différentes.

En 2008, Ottawa prévoit débourser l'équivalent de 210 millions $ en crédits d'impôt pour la production cinématographique.