La quarantaine arrivée, bon nombre d'actrices se plaignent de ne plus être dans les bonnes grâces des réalisateurs. «J'en suis un très mauvais exemple», lance toutefois Josiane Balasko, qui n'a jamais autant foulé de plateaux depuis 15 ans.

Grande, élancée, blonde, yeux bleus... À 20 ans, Josiane Balasko n'avait rien de Catherine Deneuve! Lasse de ne pas avoir de boulot au cinéma ou sur les planches, elle a créé sa petite entreprise, s'est forgé des rôles et... a visé dans le mille! «Jeune, on ne m'engageait pas, se souvient l'actrice et auteure de 57 ans. Je ne correspondais pas à l'image recherchée. Je me suis alors écrit des premiers rôles. Par la suite, des metteurs en scène, comme Bertrand Blier, m'ont approchée. Depuis l'âge de 45 ans, je travaille énormément et la palette s'élargit, à l'inverse des actrices américaines qui subissent la surenchère de la jeunesse. En plus, à l'époque, les filles drôles, c'était très nouveau.»

Qu'aurait été le Splendid sans Josiane Balasko? Le père Noël est une ordure sans Madame Musquin? Et aujourd'hui, L'auberge rouge sans elle? Dans ce remake d'un film réalisé par Claude-Autant Lara en 1951, Balasko incarne la propriétaire d'une auberge érigée dans un coin reculé de la France. L'histoire est campée à la fin du XIXe siècle. Les clients se faisant rare, l'aubergiste et son mari ont pris l'habitude de dépouiller et liquider la clientèle. Les choses tourneront mal le jour où un groupe d'aristocrates viendra cogner à leur porte et qu'ils leur apprendront qu'on compte rendre la région plus accessible aux voyageurs.

Mais qu'on ne s'y méprenne pas, L'auberge rouge est une franche comédie. Même si elle est inspirée d'un ignoble fait divers. Dans le film de Gérard Krawczyk (Fanfan la tulipe, Taxi 2, 3, 4), les aubergistes sont sympathiques et les bourgeois condescendants et détestables. De quoi donner le goût de mélanger de l'arsenic à leur thé... «L'auberge rouge est l'occasion de se moquer de gens égoïstes, qui se croient supérieurs, explique le réalisateur, qui a fait un saut à Montréal, cette semaine, pour la première de son film. Regardez aujourd'hui dans le business. Pour le profit, on est capable de faire des choses hallucinantes. L'auberge rouge est une comédie caustique sur les rapports sociaux. Mais ça a d'abord été fait pour s'amuser.»

Le film a été coscénarisé par Christian Clavier, copain de longue date de Balasko. «Christian a écrit pour moi et ça m'a flattée», avoue Josiane Balasko.

Devant la caméra, les deux font équipe avec Gérard Jugnot qui incarne un prêtre à qui se confessera la dame aubergiste. Mais vous ne trouverez pas en plus à leurs côtés Thierry Lhermitte ou Michel Blanc. «Ce serait devenu un film du Splendid et ce n'était pas le but, dit Krawczyk. Ç'aurait vampirisé l'histoire. Les bronzés III venait en plus de sortir. Ça n'a jamais été une considération. Et puis, je mélange toujours des acteurs inconnus aux connus pour présenter de nouveaux visages. Dans les films Taxi, on a ainsi fait connaître Marion Cotillard et Samy Naceri.»

Et si Christian Clavier n'avait pas tendu la main à Josiane Balasko pour L'auberge rouge? L'actrice jure qu'elle n'aurait pas entretenu de rancunes envers son ami. «On a tous l'habitude de travailler séparément dans des univers différents, note-t-elle. Il n'y a pas de malaises si on ne s'appelle pas. On est partis du même endroit, au même moment et on a tous réussi.»

Exercer sa liberté

Depuis ses débuts, Balasko n'a, de toute façon, jamais espéré de cadeau de qui que ce soit. «Je pars du principe que le téléphone ne sonnera pas, dit celle qui a aussi atterri à Montréal, cette semaine, avant d'aller retrouver son fils qui étudie à New York. J'écris, je réalise, je joue pour diversifier les plaisirs. Quand j'ai une histoire à raconter, je la ponds. C'est un sentiment de liberté incroyable. Écrire est une façon de ne pas être dépendante des désirs des autres.»

Josiane Balasko a d'ailleurs récemment mis la touche finale au montage de son dernier film, un drame de moeurs baptisé Cliente. «Dans la lignée de Gazon maudit.» Entre deux tournages, elle ouvre sa gueule pour défendre les mal logés, mal rémunérés et autres démunis de la France. Depuis une dizaine d'année, elle ne fait donc pas que lancer des blagues en entrevue. «Je ne suis pas militante, mais je mobilise les médias, dit-elle. Quand on gagne bien sa vie, on peut s'occuper des moins privilégiés. D'autant plus que la pauvreté se banalise. En France, on est dans une période où peu de gens ouvrent leur gueule. Très peu d'artistes s'engagent. Emmanuelle Béart, plus glamour, a eu le courage de le faire pour les sans-papiers et elle en a payé le prix. Pas moi, car je n'ai pas de contrat avec de grandes marques de cosmétique...»