Elle a teinté Continental, un film sans fusil, d'un grain si particulier et a illuminé Tout est parfait. Sara Mishara, 31 ans, directrice-photo, donne aux films d'une nouvelle vague de réalisateurs québécois (Stéphane Lafleur, Yves Christian Fournier et Maxime Giroux) son éclat.

Souvent, le nom de Sara Mishara a circulé sur les plateaux de tournage, l'an dernier. Mais c'est au Gala des Jutra, où elle était en lice pour le prix de la meilleure direction-photo pour Continental, que Sara Mishara a suscité questionnement et intérêt chez les observateurs. Qui est-elle, et surtout, d'où vient-elle?

En rencontrant la jeune femme, dans un célèbre café italien de la rue Saint-Viateur, les pistes se brouillent un peu. Rapidement, elle confie avoir choisi comme lieu de rendez-vous ce quartier parce qu'elle y vit aujourd'hui, parce qu'elle y a grandi. Un accent presque imperceptible colore son français. Sara Mishara est Américaine, et bilingue.

«Je suis souvent la seule femme dans mon métier, mais aussi la seule anglophone juive», confie la jeune femme, née d'une mère turque, et d'un père juif américain, issue donc d'une famille «à la Woody Allen». Elle aime Montréal, parce que «ce qui est beau dans cette ville, c'est que l'on peut être une espèce de mélange».

Continental, comme Demain, le long de Maxime Giroux qui prendra l'affiche cet été, troque pourtant les ruelles du Plateau, la croix du Mont-Royal, les gratte-ciels du centre-ville et autres coquetteries du Vieux-Port contre la banlieue, tendance bungalows et blocs-appartements plutôt que centres commerciaux flamboyants et «maisons monstres».

«C'est un cinéma très réaliste, mais en même temps, cela ne l'est pas. Il n'y a pas de jugement sur l'environnement. Ce n'est pas pour dire: «Oh mon dieu, c'est triste, c'est laid», mais c'est juste là que ça se passe. Ce ne sont pas des histoires incroyables, et c'est ce qui est incroyable», estime Sara Mishara.

Peu de choses destinaient Sara Mishara aux plateaux de cinéma québécois. À commencer par elle-même. Adolescente, elle se destine plutôt à devenir avocate. Elle a un déclic pour le cinéma grâce à la rencontre déterminante avec un professeur de Brébeuf, Claude Chabot, et délaisse le droit pour le bac en cinéma de Concordia.

Sur les bancs de l'université, Sara Mishara rencontre Maxime Giroux, son ami, son «soul mate». Il fait ses premières réalisations, elle ses premières directions-photos, instinctivement, et naturellement. «Je pourrais écrire ou réaliser un film, mais j'aurais l'impression de porter un masque, de jouer un rôle. La direction-photo, c'est quelque chose qui m'est venu naturellement.»

Après Concordia, Sara Mishara essaie d'apprendre le métier «sur le tas», en devenant assistante à la caméra. «J'étais mauvaise», dit-elle. Elle s'engage donc pour une maîtrise de l'American Film Institute, à Los Angeles, non par amour pour Hollywood, mais parce qu'elle rêve d'un «pèlerinage technique».

«C'est un peu la Mecque du «gros» cinéma. Là-bas, j'avais accès à 30 ou 40 laboratoires. J'allais cogner aux portes, j'allais voir des manufactures de filtres, de lampes», explique-t-elle, sans aucune fascination pour le cinéma made in USA. «Cela ne me dérangerait pas de faire un gros film hollywoodien, mais ce n'est pas le genre de cinéma qui m'intéresse d'emblée.»

De retour à Montréal, Sara Mishara se lance dans la pub, retrouve ses amis de Concordia, et découvre ce qu'elle considère être une nouvelle école, NùFilms, la maison de vidéoclips. «C'est vraiment un lieu pour essayer plein de trucs», dit-elle, avant d'évoquer un tournage «ridicule» à Las Vegas où une star québécoise est arrivée sur le plateau en hélicoptère.

Après Continental, Tout est parfait, et Demain, Sara Mishara prend le temps de se poser, et de lire, à Montréal. Confiante, elle sait que ces premiers longs métrages pourraient la mener vers d'autres horizons. Et c'est bien tout le mal que l'on peut lui souhaiter.