Pourquoi le Darfour? La question reste toujours la même. Mais le ton change et les regards divergent en fonction des gens qui la pose. Ces regards, ils sont sceptiques, inquiets, admiratifs, curieux ou franchement déroutés.

Il y a le regard de mes parents, celui de mes amis. Un regard qui me supplie de faire attention, qui me commande de prendre conscience des risques liés à un séjour dans la région. C’est loin là-bas. Lorsqu’on se sent loin, tout semble plus inquiétant. 300 000 morts depuis le début du conflit, en 2003. Les Janjawids qui pillent et brûlent les villages. Les Darfouris qui s’entassent dans des camps, des camps de déplacés internes au Darfour, des camps de réfugiés au Tchad. Ces endroits sont devenus de véritables petites villes. Des cités éphémères dans lesquelles se sont agglomérés des milliers d’abris de fortunes. Comment s’orchestre la vie à l’intérieur de ces lieux de passage? D’ici, la réponse demeure tellement nébuleuse…

Il y a le regard de ceux qui ne comprennent pas. Pourquoi ce besoin d’aller vers le chaos, l’inconfort? Pourquoi s’intéresser à une crise étrangère alors qu’il y a tant de causes à soutenir ici? Pourquoi le Darfour? Pourquoi pas la République Démocratique du Congo, le Kenya ou la Somalie ? Ça brasse pas mal là-bas aussi, non?

À l’opposé, il y a ces gens qui répètent avec bienveillance leurs encouragements. Ils utilisent les mots «ténacité» ou «témérité» avec l’admiration qui pointe au coin de l’œil. Ils savent la foi, l’énergie et l’entêtement dont nous avons dû faire preuve pour donner vie à ce projet.

Sans oublier le regard des sceptiques. Ceux qui se demandent si nous partons pour les bonnes raisons. Parce qu’il y a l’attention médiatique liée à ce voyage. Parce que nous faisons le pari  de privilégier l’approche impressionniste à l’approche journalistique dans notre travail. Nous bénéficions d’une chance extraordinaire, celle de pouvoir pénétrer dans des camps de déplacés. Peu de gens des médias ont eu droit à cet accès… Et vous savez, à travers le regard des sceptiques, parfois, il nous arrive de douter. Serons-nous à la hauteur de notre responsabilité, de notre devoir de témoigner?

Je l’espère, avec une grande sincérité. Peut-être avec un peu de candeur aussi. La candeur, c’est toujours utile pour se lancer tête première sur des territoires inconnus.

À bientôt,
Eza