Dorval. La lumière crue de ses néons. Les voyageurs à l’air hagard. Les boutiques qui exhibent fièrement leurs produits de luxe. Une réalité que je quitte dans quelques instants pour une autre, encore intangible, insaisissable...

Nous sommes fébriles. Ça se sent. Dans nos mouvements, dans nos regards, dans notre façon de dire au revoir. Ça fait longtemps, déjà, qu’on attend ce moment. Moi peut-être plus que les autres. L’an dernier, je devais partir tourner les réfugiés du Darfour au Tchad. Deux semaines avant mon départ, des rebelles ont envahi le camp où je devais me rendre. Pour des raisons de sécurité, le projet a dû être annulé. Cet incident a nourri mon désir d’aller à la rencontre des déplacés, de mieux comprendre leur situation. Je suis une «obstineuse», j’ai le sens de la contradiction. Demandez à n’importe quel de mes proches, il vous le confirmera. Ça vaut aussi pour le destin.

Sur la route qui mène à Dorval, je me suis gavée d’images de Montréal au printemps. Les bancs de neige qui fondent, les premiers vrais rayons chauds d’avril et les drapeaux des Canadiens sur les antennes des voitures. Je suis un peu triste de les laisser gagner sans moi. Mais Dominique a un plan. Il a acheté une petite tuque des Canadiens et il compte brancher son portable sur Internet.

Vous saviez qu’il est maintenant possible de voir les matchs en direct sur Internet? Ça coûte trois dollars et lorsqu’on est Khartoum, dans la capitale du Soudan, il suffit de se lever à deux heures du matin pour assister au match en même temps que tous les Québécois. Pratique, non? Vous rigolez peut-être, mais moi je sais que Dominique va se réveiller pour le faire. Aller jusqu’à porter sa tuque de partisan, ça, j’en suis moins certaine. C’est qu’il fait vraiment chaud ici.

La chaleur du désert. C’est intense et sec. Eddie, notre contact et responsable des communications de l’Unicef Soudan, nous trouve bien braves par rapport à la température. « Vous êtes solides, nous répète-t-il, en général, les visiteurs que j’accueille se plaignent tous de la chaleur. » Nous, on sourit en silence.

En réalité, Eddie n’a aucune idée de l’hiver interminable à travers lequel on vient de passer. Normal qu’on soit capable de tolérer un peu de chaleur, on était en train de devenir fous après toutes ces tempêtes de neige! Voilà, je vous parle du printemps, des séries, de l’hiver que l’on vient de quitter, mais je me dis qu’en fait, vous avez sûrement plus envie de savoir à quoi ressemble la vie à Khartoum. Je vous raconte tout dans mon prochain texte. Promis! Je crois que dans celui-ci, j’avais besoin d’écrire sur l’univers que je laisse derrière moi. Comment vous expliquer? Je sais, intuitivement, qu’il y aura un «avant» et un «après» Darfour. Je sais que je pars à la rencontre de gens qui me transformeront. J’avais envie de partager un peu de cet «avant» avec vous.

On se retrouve bientôt. Profitez des Canadiens qui gagnent et des terrasses qui s’animent d’ici là.

Eza